Débats du Sénat (Hansard)
2e Session, 41e Législature,
Volume 149, Numéro 120
Le mardi 24 février 2015
L'honorable Pierre Claude Nolin, Président
- DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS
- Jeannette Gallant
- Le NCSM Toronto
- Visiteurs à la tribune
- Le Nouveau-Brunswick
- Les langues officielles
- AFFAIRES COURANTES
- Les affaires autochtones et le développement du Nord
- Sécurité nationale et défense
- Régie interne, budgets et administration
- Projet de loi sur la Charte des droits des victimes
- Énergie, environnement et ressources naturelles
- PÉRIODE DES QUESTIONS
- ORDRE DU JOUR
- Les travaux du Sénat
- Projet de loi sur la croissance dans le secteur agricole
- Projet de loi corrective de 2014
- Le Sénat
- Motion tendant à reconnaître la nécessité de prévoir une sécurité entièrement intégrée dans toute la cité parlementaire et sur le terrain de la Colline du Parlement, et d'inviter la Gendarmerie royale du Canada à diriger la sécurité opérationnelle—Fixation de délai—Adoption de la motion
- Motion tendant à reconnaître la nécessité de prévoir une sécurité entièrement intégrée dans toute la cité parlementaire et sur le terrain de la Colline du Parlement, et d'inviter la Gendarmerie royale du Canada à diriger la sécurité opérationnelle—Rejet de la motion d'amendement et adoption de la motion
LE SÉNAT
Le mardi 24 février 2015
La séance est ouverte à 14 heures, le Président étant au fauteuil.
Prière.
[Traduction]
Visiteurs à la tribune
Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, je vous signale la présence à la tribune d'une distinguée délégation de la République turque, dirigée par Son Excellence Cemil Çiçek, Président de la Grande Assemblée nationale de la République turque.
Au nom de tous les sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.
Des voix : Bravo!
DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS
Jeannette Gallant
Le Prix annuel 2014 de l'animateur bénévole national des 4-H
L'honorable Elizabeth Hubley : Honorables sénateurs, j'aimerais féliciter Jeannette Gallant de l'Île-du-Prince-Édouard, qui a récemment été nommée animatrice bénévole nationale des 4-H pour 2014.
Cet honneur est sans contredit bien mérité. Mme Gallant, qui est originaire de Wellington, à l'Île-du-Prince-Édouard, est active auprès des 4-H depuis des décennies. Elle était initialement membre du Club 4-H d'Évangeline et en est maintenant co-animatrice. Elle siège également au Conseil du district de Summerside des 4-H.
La présidente du Conseil des 4-H de l'Île-du-Prince-Édouard a dit ceci à propos de Mme Gallant :
Elle incarne tellement des qualités de nos très précieux animateurs bénévoles. Notre organisation cesserait de fonctionner sans le nombre incalculable d'heures que consacrent ces personnes à nos membres de toute l'île et sans leurs innombrables talents.
Depuis plus de 100 ans, les 4-H du Canada est l'une des organisations jeunesse les plus respectées du pays. Elle compte plus de 25 000 membres dans l'ensemble du pays. Dans ma province, elle offre un programme régional très populaire et compte plus de 550 membres et 23 cercles.
Nous avons tous entendu que le mouvement 4-H aide les jeunes Canadiens à apprendre en travaillant, préparant ainsi les leaders dynamiques, sûrs d'eux et responsables de demain.
Ce sont des bénévoles comme Jeannette Gallant qui font en sorte que le programme 4-H continue de connaître du succès et d'avoir un impact aussi important sur les jeunes Canadiens. Grâce à leur enthousiasme et à leur dévouement, ces bénévoles jouent un rôle crucial dans la vie des membres des clubs et apportent des changements positifs dans leur collectivité et dans le monde qui les entoure.
Je vous invite donc à vous joindre à moi pour féliciter Jeannette Gallant de cette remarquable marque de reconnaissance et pour remercier les bénévoles de l'ensemble du pays de leur contribution au programme 4-H.
Merci.
Le NCSM Toronto
Mention élogieuse
L'honorable Stephen Greene : Mesdames et messieurs, vendredi dernier, le 20 février, j'ai eu le privilège d'être invité par le ministre de la Défense nationale, Jason Kenney, à le remplacer à l'occasion d'une cérémonie spéciale tenue à Halifax pour rendre hommage au travail du NCSM Toronto.
L'importance de cet hommage tient au fait que le NCSM Toronto s'est vu décerner une décoration non pas de la part du gouvernement du Canada ou de la Marine canadienne, mais du gouvernement des États-Unis et de la Marine américaine.
Par ailleurs, il s'agit de la sixième fois dans l'histoire de la Marine américaine qu'un tel hommage est décerné à un navire étranger. La dernière fois, c'était il y a 45 ans, pendant la guerre du Vietnam, lorsque cette décoration a été remise à un navire australien.
Pour souligner l'occasion, l'amiral Jonathan Greenert, chef des opérations navales de la Marine américaine, membre de l'instance collégiale des chefs d'état-major et lauréat de la médaille du service distingué à six reprises, s'est rendu à Halifax pour remettre la mention élogieuse des unités de la Marine américaine pour service méritoire aux capitaines et à l'équipage du NCSM Toronto, dont le port d'attache est à Halifax.
Bien qu'on ne puisse pas publier les détails de la mission du NCSM Toronto, je peux dire qu'il s'agissait d'une mission au large de la côte Est de l'Afrique, laquelle a débouché sur la saisie de grandes quantités de drogues et l'arrestation de nombreux navires. Le NCSM Toronto a réussi à saisir des drogues d'une valeur de plusieurs centaines de millions de dollars, mais à cela s'ajoute un exploit presque plus important encore : la collecte de renseignements à partir des téléphones cellulaires et des ordinateurs saisis à bord de ces navires illicites. Ces renseignements ont donné lieu à des poursuites judiciaires dans divers pays, du Mexique à l'Afghanistan.
Voici un extrait de la citation décernée :
En empêchant une bonne partie du trafic de stupéfiants, le NCSM Toronto a porté grandement atteinte au financement des activités terroristes et criminelles. Actifs pendant de longues périodes sur l'ensemble du territoire opérationnel, les officiers et l'équipage ont respecté tous les engagements et fait preuve de persévérance, d'esprit d'équipe et d'un superbe degré de préparation. Leur travail exemplaire a beaucoup contribué à l'atteinte de l'objectif de la coalition, qui consistait à maintenir les actions maritimes communes veillant à la légitimité des activités dans l'intérêt de tous les pays. Il reflète les meilleures traditions de la Marine royale canadienne.
Ce texte vient de la Marine américaine.
Veuillez applaudir avec moi la Marine royale canadienne pour cet extraordinaire honneur accordé par notre magnifique allié, les États-Unis d'Amérique.
Visiteurs à la tribune
Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, je vous signale la présence à la tribune de gens qui ont participé au Programme d'études des hauts fonctionnaires parlementaires.
Au nom de tous les sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.
Des voix : Bravo!
Le Nouveau-Brunswick
L'adoption du drapeau provincial—Le cinquantième anniversaire
L'honorable Joseph A. Day : Honorables sénateurs, aujourd'hui, nous soulignons le 50e anniversaire du drapeau du Nouveau-Brunswick. Les symboles qui figurent sur le drapeau, un lion d'or et un navire dont les rames sont plongées dans l'eau, se trouvaient à l'origine sur les armoiries octroyées en 1868 par la reine Victoria à la Province du Nouveau-Brunswick. Le lion d'or dans la partie supérieure de notre drapeau représente les liens de notre province avec le duché de Brunswick, en Allemagne. Ce duché a des liens avec la famille royale et avec le monarque. Le vaisseau symbolise quant à lui la grande histoire de la construction navale au Nouveau-Brunswick.
(1410)
L'adoption du drapeau du Nouveau-Brunswick a suivi immédiatement l'adoption du drapeau canadien, dont le 50e anniversaire vient d'être célébré la semaine dernière. Le drapeau du Nouveau-Brunswick a été officialisé une semaine exactement après le drapeau canadien.
J'ai parlé précédemment dans cette enceinte du drapeau du Collège militaire royal, qui a servi d'inspiration pour la conception du drapeau canadien. C'est M. George Stanley, professeur à ce collège, puis lieutenant-gouverneur du Nouveau-Brunswick, qui a suggéré l'unifolié. La motion visant à adopter le drapeau canadien a été présentée au Parlement par le député John Matheson, qui est décédé récemment.
À l'instar du drapeau du Canada, qui fait la fierté des Canadiens, celui du Nouveau-Brunswick est une source de fierté pour la population du Nouveau-Brunswick. À l'époque de l'officialisation du drapeau, c'était Louis-J. Robichaud qui était premier ministre du Nouveau-Brunswick. Originaire de Saint-Antoine, au Nouveau-Brunswick, M. Robichaud fut le premier Acadien à occuper le poste de premier ministre de cette province. Il est ensuite devenu sénateur. Mais ce fut surtout son adjoint administratif, M. Robert Pichette, qui s'occupa de la conception définitive du drapeau. M. Pichette, qui habite encore au Nouveau-Brunswick, a eu recours à l'aide du capitaine de corvette Alan J. Beddoe, avec lequel il s'était lié d'amitié lorsqu'il faisait partie des forces armées, afin de faire le dessin original du drapeau. Tout cela a eu lieu au cours d'une brève période de deux semaines seulement, et ce, pour une raison bien précise.
Devant la menace d'un plan clandestin de l'opposition visant à présenter une motion pour officialiser le choix du Red Ensign accompagné des armoiries de la province comme drapeau du Nouveau-Brunswick, l'adjoint du premier ministre Robichaud, M. Pichette, a dû agir vite. Le premier ministre était en vacances, et M. Pichette ne pouvait pas attendre son retour.
À son retour, le premier ministre a montré son appui à cette initiative en annonçant la création du nouveau drapeau du Nouveau-Brunswick dans le cadre de son discours du Trône à l'assemblée législative provinciale le 24 février de cette année-là. L'Ontario et le Manitoba sont les deux seules provinces qui utilisent encore le Red Ensign avec leurs armoiries respectives.
Par conséquent, en l'espace de 10 jours, en février 1965, les Néo-Brunswickois ont assisté à la création de deux drapeaux, un qui symbolisait leur force et leur fierté, et l'autre qui montrait leur adhésion au Canada, ce dont ils étaient également fiers.
[Français]
Les langues officielles
L'honorable Claudette Tardif : Honorables sénateurs, j'aimerais vous faire part d'une cause importante qui aura des effets importants sur les droits linguistiques des francophones de ma province.
Le 13 février, la Cour suprême a entendu le litige opposant Sa Majesté la Reine à Gilles Caron, un citoyen francophone de l'Alberta, accusé d'une infraction au code de la route de la province. La contravention était rédigée en anglais seulement. Dans le cadre de son recours, M. Caron conteste la constitutionnalité de la loi linguistique de l'Alberta. Cette loi stipule que les lois et règlements de la province sont édictés, publiés et imprimés en anglais.
À l'heure actuelle, le régime linguistique de l'Alberta se fonde sur le jugement rendu en 1988 par la Cour suprême dans l'affaire Mercure. Dans cette affaire, les juges ont statué que les obligations linguistiques qui précédaient la création de la province n'avaient pas été constitutionnalisées et pouvaient être modifiées ou abrogées par une loi de la législature. Par conséquent, les Assemblées législatives de l'Alberta et de la Saskatchewan se sont dotées d'un cadre législatif qui reconnaît la validité des lois et des règlements en anglais seulement.
La Cour suprême devra déterminer si le régime de bilinguisme officiel qui existait dans ce vaste territoire, appelé la Terre de Rupert, a été constitutionnalisé et s'applique toujours en Alberta et en Saskatchewan. Pour répondre à cette question, les juges de la Cour suprême devront examiner une quantité impressionnante de preuves historiques.
Les juges devront notamment se pencher sur le statut du décret en conseil sur la Terre de Rupert et les Territoires du Nord-Ouest, daté du 23 juin 1870. Ce décret a trait aux engagements pris par la Couronne envers les Métis à la suite de l'insurrection du gouvernement de Louis Riel et de l'annexion de la Terre de Rupert, qui deviendra la Saskatchewan et l'Alberta. La Couronne leur avait alors garanti que leurs droits civils, religieux et de propriété seraient protégés. Les avocats de M. Caron croient que les droits civils incluaient la langue française, même si cela n'a pas été mentionné explicitement, car, à l'époque, les Métis formaient la grande majorité de la population des Prairies et la plupart d'entre eux étaient francophones.
Honorables sénateurs, permettez-moi de citer l'avocat fransaskois Roger Lepage, qui représente M. Caron, et qui s'est exprimé ainsi :
Cette cause est d'une importance majeure pour tous les Canadiens, mais surtout pour les Métis francophones et la minorité francophone de l'Ouest canadien. La violation des droits linguistiques est une plaie ouverte depuis 145 ans. Elle a mené à une assimilation dévastatrice.
La présidente de la Fédération des communautés francophones et acadienne, Mme Marie-France Kenny, qualifie d'historique l'audience du 13 février. Je la cite :
Ces audiences marquent l'aboutissement d'une démarche d'un citoyen franco-albertain qui, du moment qu'il a senti que ses droits linguistiques étaient lésés, a décidé d'aller jusqu'au bout pour les faire respecter.
Quelle qu'elle soit, la décision de la Cour suprême enverra un message puissant sur sa conception de la fédération canadienne et sur la place qu'occupe la dualité linguistique au rang des valeurs fondamentales qui définissent notre pays.
[Traduction]
AFFAIRES COURANTES
Les affaires autochtones et le développement du Nord
La Loi sur la modification et le remplacement de la Loi sur les Indiens—Dépôt du premier rapport législatif annuel
L'honorable Yonah Martin (leader adjointe du gouvernement) : Honorables sénateurs, j'ai l'honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le premier rapport législatif annuel produit en vertu de l'article 2 de la Loi sur la modification et le remplacement de la Loi sur les Indiens, Lois du Canada, chapitre 38, 2014.
Sécurité nationale et défense
Budget et autorisation d'embaucher du personnel et de se déplacer—L'étude sur les menaces à la sécurité—Dépôt du onzième rapport du comité
L'honorable Daniel Lang, président du Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense, dépose le rapport suivant :
Le mardi 24 février 2015
Le Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense a l'honneur de présenter son
ONZIÈME RAPPORT
Votre comité, qui a été autorisé par le Sénat le jeudi 19 juin 2014 à étudier les menaces à la sécurité nationale, demande respectueusement des fonds pour l'exercice financier se terminant le 31 mars 2015 et demande qu'il soit, aux fins de ses travaux, autorisé à :
a) embaucher tout conseiller juridique et personnel technique, de bureau ou autre dont il pourrait avoir besoin; et
b) voyager à l'intérieur du Canada.
Conformément au Chapitre 3:06, section 2(1)c) du Règlement administratif du Sénat, le budget présenté au Comité permanent de la régie interne, des budgets et de l'administration ainsi que le rapport s'y rapportant sont annexés au présent rapport.
Respectueusement soumis,
Le président,
DANIEL LANG
(Le texte du budget figure à l'annexe A des Journaux du Sénat d'aujourd'hui, p. 1612.)
Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, quand étudierons-nous le rapport?
(Sur la motion du sénateur Lang, l'étude du rapport est inscrite à l'ordre du jour de la prochaine séance.)
(1420)
Régie interne, budgets et administration
Présentation du onzième rapport du comité
L'honorable George J. Furey, vice-président du Comité permanent de la régie interne, des budgets et de l'administration, présente le rapport suivant :
Le mardi 24 février 2015
Le Comité permanent de la régie interne, des budgets et de l'administration a l'honneur de présenter son
ONZIÈME RAPPORT
Votre Comité a approuvé le Budget supplémentaire des dépenses (C) du Sénat pour l'exercice financier 2014-2015 et recommande leur adoption. (Annexe A)
Votre Comité fait remarquer que les crédits supplémentaires proposés se chiffrent à 900 000 $.
Respectueusement soumis,
Le président,
PIERRE CLAUDE NOLIN
(Le texte de l'annexe figure à l'annexe B des Journaux du Sénat d'aujourd'hui, p. 1619.)
Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, quand étudierons-nous le rapport?
(Sur la motion du sénateur Furey, l'étude du rapport est inscrite à l'ordre du jour de la prochaine séance.)
Projet de loi sur la Charte des droits des victimes
Projet de loi modificatif—Première lecture
Son Honneur le Président annonce qu'il a reçu de la Chambre des communes le projet de loi C-32, Loi édictant la Charte canadienne des droits des victimes et modifiant certaines lois, accompagné d'un message.
(Le projet de loi est lu pour la première fois.)
Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, quand lirons-nous le projet de loi pour la deuxième fois?
(Sur la motion de la sénatrice Martin, la deuxième lecture du projet de loi est inscrite à l'ordre du jour de la séance d'après-demain.)
Énergie, environnement et ressources naturelles
Autorisation au comité de siéger en même temps que le Sénat
L'honorable Richard Neufeld : Honorables sénateurs, avec le consentement du Sénat et nonobstant l'article 5-5a) du Règlement, je propose :
Que le Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles soit autorisé à siéger à 17 heures le mardi 24 février 2015, même si le Sénat siège à ce moment-là, et que l'application de l'article 12-18(1) du Règlement soit suspendue à cet égard.
Son Honneur le Président : Le consentement est-il accordé, honorables sénateurs?
Des voix : D'accord.
Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?
Des voix : D'accord.
(La motion est adoptée.)
[Français]
PÉRIODE DES QUESTIONS
Le revenu national
Les paradis fiscaux
L'honorable Céline Hervieux-Payette : Ma question s'adresse au leader du gouvernement au Sénat, mais il ne faut pas croire que mon travail se résume à vous poser des questions; les sujets dont je traite touchent le travail que je fais au Comité des banques et du commerce.
Le mois dernier, votre gouvernement nous informait, par communiqué, qu'il renforçait sa lutte contre l'évasion fiscale et l'évitement fiscal abusif à l'échelle internationale, en forçant les banques à déclarer les télévirements internationaux entrants et sortants de 10 000 $ ou plus.
Un an auparavant, votre gouvernement avait mis en place un service téléphonique pour inciter les Canadiens à dénoncer l'évasion fiscale internationale et les stratégies abusives d'évitement fiscal, autant de mesures qui paraissent honorables, mais qui ne sont que du saupoudrage de requêtes, puisqu'on ne voit pas beaucoup de résultats. Avant de récupérer l'eau qui fuit de la baignoire, encore faudrait-il colmater la brèche.
Selon Joseph Stiglitz, prix Nobel d'économie, il serait facile de mettre fin aux paradis fiscaux en exigeant des banques des pays membres du G7 qu'elles ne traitent plus avec des juridictions de complaisance bancaire où il n'existe aucune transparence, comme la Barbade ou les îles Turques et Caïques.
Monsieur le leader du gouvernement au Sénat, votre gouvernement entend-il interdire aux banques canadiennes de faire affaire avec ces pays délinquants qui laissent aller des milliards de dollars sous forme d'évasion fiscale ou d'impôts non payés?
L'honorable Claude Carignan (leader du gouvernement) : Sénatrice, comme vous le savez, notre gouvernement a un excellent bilan en matière de lutte contre l'évasion fiscale internationale et la fraude fiscale.
En fait, depuis 2006, et jusqu'au 31 mars 2014, l'Agence du revenu a vérifié 8 600 affaires fiscales internationales et a découvert plus de 5,6 milliards de dollars en impôts non payés, que l'on s'applique à percevoir. Grâce aux mesures énergiques que nous avons prises, le Canada possède l'un des systèmes de conventions fiscales parmi les plus complets dans le monde.
Nous comptons sur près de 750 inspecteurs de plus aujourd'hui que lorsque nous avons formé le gouvernement, et nous continuons d'en embaucher; le message est lancé. De plus, nous avons augmenté de plus de 40 p. 100 la portée de notre programme de vérification internationale.
Vous avez parlé de la question des transferts de plus de 10 000 $, y compris les transferts électroniques. Cette question a été abordée dans le cadre de notre plan d'action de 2013, qui a donné à l'Agence du revenu des outils améliorés pour sévir comme jamais contre les fraudeurs du fisc.
En outre, depuis 2006, notre gouvernement a présenté plus de 85 mesures afin d'améliorer l'intégrité du régime fiscal, y compris le Programme de dénonciateurs de l'inobservation fiscale à l'étranger et la déclaration obligatoire des télévirements internationaux de plus de 10 000 $.
D'ailleurs, un article publié récemment dans le quotidien La Presse — je ne sais pas si vous l'avez lu — traitait justement de l'efficacité de l'inscription des télévirements ou de la déclaration des télévirements internationaux de plus de 10 000 $, qu'il décrivait comme une mesure qui a apporté des résultats concrets. C'est le type de mesure que l'on adopte, mais, malheureusement, c'est le type de mesure contre laquelle vous votez.
La sénatrice Hervieux-Payette : Je pense que nous ne serons pas d'accord quant à vos conclusions.
Malgré tous vos efforts pour remonter à 2006, j'aimerais que l'on parle de maintenant, année par année. Selon le sociologue Alain Deneault, le Canada jouerait un rôle de premier plan dans le développement des finances dans les Caraïbes.
Or, TVA rappelle que, dans plusieurs îles des Antilles, les banques canadiennes représentent les principaux lieux d'affaires et qu'il est douteux qu'elles ne servent qu'à recueillir les dépôts de petits épargnants et qu'elles créent de nombreux emplois pour les Canadiens.
De plus, selon Radio-Canada, les banques canadiennes possèdent 75 filiales dans les paradis fiscaux, de la Suisse à Singapour. On trouve, par exemple, des succursales de la CIBC et de la Banque Scotia dans les îles Vierges britanniques; des filiales de la Banque Royale sur l'île Jersey, en Suisse, aux îles Caïmans, et aux Bahamas; une succursale de la Banque de Montréal au Luxembourg; la Banque TD est également présente aux Bermudes et à la Barbade. Tout le monde en a donc pour son argent, sauf que cet argent devrait revenir au gouvernement.
L'organisme Canadiens pour une fiscalité équitable estime que les gouvernements fédéral et provinciaux perdent près de 8 milliards de dollars de revenus chaque année; nous sommes loin de votre somme de 5 milliards de dollars sur une période de neuf ans. C'est dans ce contexte que, à l'Assemblée nationale du Québec, le député Marceau, ex-ministre des Finances, souhaite faire comparaître les dirigeants des banques devant la Commission des finances publiques pour leur demander de s'expliquer.
Monsieur le leader, votre gouvernement désire-t-il vraiment colmater la brèche et récupérer chaque année les 8 milliards de dollars qui renfloueraient votre budget? Si oui, va-t-il déclencher une commission royale d'enquête sur le sujet afin de faire la lumière sur la situation et d'adopter de vraies mesures?
(1430)
Le sénateur Carignan : Sénatrice, comme vous le savez, nous avons mené des actions qui ont des effets concrets. Notre gouvernement a présenté plus de 85 mesures afin d'améliorer l'intégrité du régime fiscal. L'aspect des télévirements de plus de 10 000 $ est un exemple de mesure concrète. On ne peut plus faire de télévirement de 10 000 $ et, lorsqu'on quitte le pays, on doit déclarer les montants d'argent comptant que l'on transporte avec soi quand ils dépassent ce montant. Vous savez très bien que ce sont des mesures extrêmement efficaces pour lutter contre l'évasion fiscale. Or, il y a 84 autres mesures comme celle-là qui ont été adoptées depuis 2006. Donc, si vous voulez vraiment combattre l'évasion fiscale et participer à des actions concrètes, je vous invite à voter avec nous dans le cadre de nos plans d'action économiques, particulièrement lorsque nous adoptons des mesures de ce type, qui ont un effet concret, comme vous avez pu le constater dans un article paru dans La Presse récemment.
La sénatrice Hervieux-Payette : Je reviens aux propos qui sont rapportés dans un livre de M. Alain Deneault, qui s'intitule Paradis fiscaux : la filière canadienne. Selon lui, et je reprends les propos qu'il a exprimés lors de son entrevue à Télé-Québec, il y a deux semaines, il serait possible de penser un système fiscal qui consisterait à imposer les sociétés sur une base consolidée. Autrement dit, au lieu d'imposer les grands groupes, filiale par filiale, on imposerait le groupe par rapport à ses revenus et par rapport à ses profits; on ne transférerait pas tous les profits dans les paradis fiscaux.
Lorsqu'elle a été interrogée au sujet de l'évasion fiscale récemment, sur les ondes de Radio-Canada, l'ancienne ministre québécoise des Finances, Mme Monique Jérôme-Forget, a dénoncé ceux qu'elle nomme les « voleurs de l'État ». Huit milliards, c'est suffisant pour les qualifier de voleurs.
Monsieur le leader, votre gouvernement est-il prêt à réviser tout le système fiscal afin de lutter contre le vol dont il est victime, qui l'amène à sabrer injustement dans les services publics et sans lequel il pourrait réaliser son rêve d'atteindre l'équilibre fiscal?
Le sénateur Carignan : Sénatrice, nous allons continuer de travailler au moyen de mesures concrètes. Au cours de l'exercice 2013-2014, l'Agence du revenu a réglé plus de 46 milliards de dollars en montants d'impôt payable. De plus, au cours de cet exercice, les divulgations volontaires à l'étranger ont affiché une hausse marquée par rapport à l'exercice précédent, ce qui prouve que les fraudeurs se font serrer la vis comme jamais auparavant. Nous allons continuer de prendre des mesures concrètes et d'adapter ces mesures de façon à ce qu'elles puissent donner les résultats escomptés.
Je vous invite, lorsque de telles mesures sont proposées dans le cadre des plans d'action économiques, et si vous avez réellement la volonté de combattre l'évasion fiscale, comme le laissent entendre vos questions, à voter en faveur des mesures proposées dans nos plans d'action économiques.
La sénatrice Hervieux-Payette : En fait, pour reprendre l'échange que nous avons eu lors de la période des questions de la semaine passée, je vous disais que si on avait un vrai budget, je serais peut-être encline à l'appuyer; au lieu de cela, on a généralement un répertoire de mesures de toutes sortes qui n'ont rien à voir avec un budget.
Je vous rappelle en revanche que, depuis 2009, vous avez signé 16 accords d'échanges de renseignements avec des paradis fiscaux. Je vous accorde une bonne note pour cela. André Lareau, professeur de droit fiscal à l'Université Laval, nous dit que, au Canada, il nous faut le nom précis de la personne ou de l'entreprise pour obtenir de l'information. Je vous rappelle que ces gens font tout pour se cacher des autorités — à titre d'avocat, vous le savez bien —, car il y a plusieurs façons de masquer une transaction, sans indiquer le nom de la personne.
Invité à Tout le monde en parle, l'année dernière, Alain Deneault expliquait qu'il existe une clause dans ces accords qui permet à une société canadienne d'inscrire ses actifs dans un paradis fiscal et de les rapatrier au Canada sans payer d'impôts, s'ils se présentent sous la forme de dividendes.
Monsieur le leader, pouvez-vous nous expliquer pourquoi votre gouvernement négocie des accords qui permettront aux gens d'éviter de payer des impôts et, en fin de compte, de favoriser l'évasion fiscale?
Le sénateur Carignan : Sénatrice, je ne suis pas un téléspectateur assidu de Tout le monde en parle. Ce n'est pas une émission que je suis de façon dominicale. J'ignore le contenu de l'entrevue dont vous parlez mais, s'il y a des ententes qui sont signées avec des pays pour contrer l'évasion fiscale, je pense qu'il s'agit de mesures, comme vous l'avez souligné, qui sont de bonnes actions et qui, en plus des autres mesures qui sont prises, produisent un effet concret. C'est ce qui fait que de plus en plus de personnes font des divulgations volontaires à l'étranger. Ces divulgations affichent une hausse marquée par rapport à l'exercice précédent. Cela prouve que les fraudeurs fiscaux se font serrer la vis, et nous allons continuer.
La sénatrice Hervieux-Payette : Vous avez certainement de bonnes intentions mais, d'après ce que je peux voir, il n'y a pas que moi qui écoute Tout le monde en parle; nous sommes quelques millions au Québec. Hier, des manifestants anti-austérité ont occupé les bureaux de l'Association des banquiers canadiens à Montréal pour dénoncer l'évasion fiscale. Vous avez sûrement lu dans les journaux du Québec que HSBC est dans une mauvaise passe. La population en général n'est pas dupe. Elle comprend bien que c'est elle qui paie le prix de l'absence de volonté politique contre les fraudeurs fiscaux. Les gens savent que ce sont eux qui subissent les coupes dans les services gouvernementaux, que ce sont eux qui subissent des hausses de tarifs ou d'impôts et que, en fin de compte, le recul de l'âge du départ à la retraite n'aurait pas lieu d'être si on pouvait collecter tous les impôts.
Ils savent que, pour retenir les capitaux qui restent, les autorités ont diminué les impôts des entreprises, qui sont passés de 38 p. 100 en 1981 à 15 p. 100 aujourd'hui. On a fait un bon geste en leur faveur, on s'attend donc à un bon geste de leur part, et on s'attend à ce qu'elles paient leurs impôts.
En revanche, à l'heure actuelle, notre législation et nos mesures n'ont pas assez de mordant. Je vous donne quelques chiffres. Le gouvernement se donne pour objectif de récupérer 44 millions de dollars en 2014-2015 — je parle des gens qui ont caché de l'argent au fisc — et 389 millions en 2015. Par contre, des organismes comme le Tax Justice Network, le Réseau pour la justice fiscale et d'autres experts canadiens disent que, chaque année, ce sont 155 milliards de dollars qui échappent au fisc.
Je pense qu'il y a encore du travail à faire, et je vous invite, dans le cadre de l'élaboration de votre prochain plan d'action économique, à étudier cette question. Si vous pouviez récupérer seulement 25 p. 100 de ces 155 milliards, vous auriez déjà une marge de manœuvre beaucoup plus intéressante pour gouverner.
Êtes-vous d'accord, monsieur le leader, pour dire qu'il y a encore beaucoup de chemin à faire?
Le sénateur Carignan : Sénatrice, on doit toujours continuer de travailler contre l'évasion fiscale. Vous semblez avoir de très bonnes idées et être assez active auprès de M. Trudeau. Peut-être que vous pourriez vous présenter aux prochaines élections et devenir ministre des Finances pour mettre en œuvre vos suggestions.
La sénatrice Hervieux-Payette : C'est une tentation à laquelle vous me soumettez, car si j'étais ministre des Finances, vous seriez alors dans l'opposition. Je suis tout à fait d'accord.
[Traduction]
Les affaires autochtones et le développement du Nord
La sécurité-incendie dans les réserves
L'honorable Lillian Eva Dyck : Ma question s'adresse au leader du gouvernement au Sénat et porte sur la sécurité-incendie. Comme vous le savez probablement, deux très jeunes enfants, des bambins, sont morts dans un incendie dans le Nord de la Saskatchewan ce mois-ci. L'année dernière, cinq enfants sont morts de la même manière en Saskatchewan. Cette année seulement, il y en a eu quatre.
Que fera le ministre des Affaires autochtones pour atténuer, pour réduire le nombre d'enfants autochtones qui meurent dans des incendies en Saskatchewan?
[Français]
L'honorable Claude Carignan (leader du gouvernement) : Merci, sénatrice Dyck, pour votre question. À ce sujet, nos pensées et nos prières doivent toujours accompagner la famille et la communauté des victimes.
Je crois comprendre que la tragédie que vous avez mentionnée fait l'objet d'une enquête de la part des autorités provinciales de protection contre les incendies.
(1440)
Pendant que cela se poursuit, nous devrions voir d'un bon œil le fait que la Première Nation et la communauté du lac Loon vont de l'avant dans un esprit de collaboration. Nous demeurons résolus à continuer d'appuyer la Première Nation afin qu'elle puisse garantir à ses membres une protection contre les incendies qui soit efficace.
Depuis 2006, sénatrice Dyck, notre gouvernement a consacré près de 185 millions de dollars aux services de protection contre les incendies dans les réserves. Nous offrons également des fonds supplémentaires pour aider les Premières Nations à acheter des camions à incendie, à construire des casernes de pompiers et à se procurer de l'équipement de protection contre les incendies. Au Manitoba et en Saskatchewan, ce financement a permis d'acheter 32 camions à incendie et de l'équipement de protection contre les incendies, et de construire 15 casernes de pompiers.
Il s'agit donc d'un engagement de la part de notre gouvernement et d'une implication continue. Encore une fois, comme je l'ai dit, nos pensées et nos prières accompagnent les victimes.
[Traduction]
La sénatrice Dyck : Je vous remercie de votre réponse. Je suis persuadée que les sénateurs sont horrifiés par cette tragédie. Nous pleurons tous le décès d'enfants très jeunes.
Toutefois, comme je l'ai dit, cinq enfants ont aussi perdu la vie l'an dernier. Dans la Première Nation de Pelican Narrows, qui fait partie de la nation crie de Peter Ballantyne, des enfants sont morts au mois de janvier l'an dernier. Depuis, les mesures de sécurité-incendie n'ont pas été améliorées, et le chef a déclaré que le gouvernement fédéral n'avait pas augmenté le financement destiné à la sécurité-incendie dans la réserve.
Un an après le décès de ces enfants, le financement destiné à la réserve n'a toujours pas été bonifié. Le gouvernement n'a donc rien fait pour améliorer la situation. Pourquoi est-il resté les bras croisés? Pourquoi n'a-t-il pas augmenté le financement? Nous savons qu'il y a un problème. Pourquoi personne n'a-t-il rien fait pour accroître le financement afin de prévenir le décès de ces enfants?
[Français]
Le sénateur Carignan : Sénatrice, comme je le dis chaque fois qu'une personne perd la vie dans un incendie, ce sont des situations difficiles. J'ai vu aux actualités, ces derniers jours, le cas de jumeaux de trois ans qui sont décédés dans un incendie. Ce sont toujours des événements tragiques. Je pense que la volonté de l'ensemble des communautés est de réduire au maximum ces risques d'incendie, mais aussi, et surtout, de réduire les pertes de vie. C'est pourquoi notre gouvernement a versé près de 185 millions de dollars en faveur des services de protection contre les incendies dans les réserves, sans compter le fonds supplémentaire qui vise à aider les Premières Nations à acheter de l'équipement pour combattre les incendies.
Je puis vous assurer que nous continuerons de soutenir les réserves dans le cadre de l'achat de ces équipements de sécurité.
[Traduction]
La sénatrice Dyck : Je vous remercie de votre réponse. Il est évident que le gouvernement ne verse pas suffisamment de fonds aux Premières Nations pour la sécurité-incendie, le logement, les réparations et ainsi de suite. Le rapport du Comité sénatorial permanent des peuples autochtones signale clairement que le risque est 10 fois plus élevé. En effet, le taux de décès attribuables aux incendies est 10 fois plus élevé dans les réserves qu'ailleurs au pays.
Des témoins ont établi un lien entre la surpopulation, l'état des logements dans les réserves et le nombre élevé de décès attribuables aux incendies dans les communautés autochtones. Nous avons aussi remarqué que 37 p. 100 des maisons dans les réserves nécessitaient des réparations importantes, à un point tel que des familles vivent entassées dans des maisons condamnées. Elles logent donc dans des poudrières, des maisons qui brûleront rapidement parce qu'elles ont une toile bleue à la place du toit.
Il faut affecter un surcroît de financement aux réserves. Pourquoi votre gouvernement ne leur en a-t-il pas versé davantage?
[Français]
Le sénateur Carignan : Sénatrice, pour prévenir les incendies, il y a l'achat d'équipement, et il y a les sommes qui sont versées aux services de lutte contre les incendies. L'éducation et la sensibilisation jouent aussi un rôle indispensable en matière de sécurité-incendie. Nous continuerons de travailler avec les communautés et les organisations des Premières Nations en ce sens.
Vous savez que nous travaillons aussi avec l'Association des pompiers autochtones du Canada en matière de prévention. Nous allons poursuivre ce travail avec les communautés autochtones et leurs représentants afin d'aider à prévenir les risques d'incendie.
Dans une autre vie, j'ai été président du Comité de sécurité publique des municipalités du Québec, où l'enjeu de la sécurité-incendie était soulevé tant à l'échelle des communautés qu'à l'échelle des villes et des villages québécois quant au temps de réponse et à la fourniture d'équipement. Il est impossible de réduire les risques à zéro, mais je pense que, comme communauté, comme gouvernement, nous devons prendre les mesures qui s'imposent, comme nous le faisons, pour fournir des services de protection adéquats contre les incendies, particulièrement dans le cas des réserves que vous soulevez.
[Traduction]
La sénatrice Dyck : Merci. Le financement est si lacunaire que l'une des communautés que nous avons visitées, Kitchenuhmaykoosib Inninuwug, dans le Nord de l'Ontario, a dit que, bien que sa population ait triplé, elle n'a reçu aucun financement supplémentaire pendant cette période. Même s'il devrait y avoir un facteur de progression de 2 p. 100, elle n'a pas reçu la moindre augmentation. Si elle avait au moins reçu ces 2 p. 100 — la hausse devrait toutefois être supérieure —, son financement actuel serait presque 40 p. 100 plus élevé qu'il l'est en ce moment. C'est le niveau minimal que cette communauté devrait avoir atteint, mais ce n'est pas le cas. Pourquoi pas? Pourquoi le gouvernement n'a-t-il pas versé suffisamment de financement aux Premières Nations comme les Kitchenuhmaykoosib Inninuwug, qui vivent dans une région éloignée du Nord de l'Ontario?
[Français]
Le sénateur Carignan : Sénatrice, je pense que nous devons aider l'ensemble des communautés et continuer de soutenir les services comme nous le faisons déjà, c'est-à-dire en fournissant des enveloppes importantes. Comme je l'ai dit, depuis 2006, ce sont 185 millions de dollars qui ont été versés. Au Manitoba et en Saskatchewan, en ce qui concerne l'achat d'équipement, on parle de 32 camions, de 15 casernes de pompiers, et de l'achat de différents équipements de protection contre les incendies, car il ne s'agit pas seulement de camions. Il y a d'autres types d'équipement qui peuvent être utilisés dans la lutte contre les incendies et le sauvetage des personnes. C'est ce que nous continuerons de faire, sénatrice.
[Traduction]
L'honorable Wilfred P. Moore : J'ai une question complémentaire. Elle s'adresse aussi au leader du gouvernement au Sénat et se rapporte également au décès tragique et inutile de deux nourrissons dans la réserve.
Sénateur Carignan, vous avez mentionné que votre gouvernement avait dépensé 175 millions de dollars pour acheter des camions. Dans cette réserve, il y avait un camion-pompe. La pompe était desservie par des tuyaux provenant de prises d'eau d'incendie, mais elle ne se rendait pas jusqu'aux prises. Il était impossible de la brancher parce que la pompe n'y était pas adaptée.
J'aimerais savoir qui était responsable de ces achats. Quand on dépensait ces montants, qui veillait à ce que l'équipement fonctionne bien dans l'intérêt des habitants de la réserve?
[Français]
Le sénateur Carignan : C'est un bel exemple, sénateur, qui montre que l'argent n'est pas tout, mais qu'il faut également travailler avec les associations pour favoriser la prévention. Il faut veiller à offrir de la formation, dans ce dossier en particulier. Nous sommes heureux que la Première Nation travaille avec la communauté du lac Loon et qu'elles aillent de l'avant dans un esprit de collaboration pour arriver à offrir des services adéquats de lutte contre les incendies.
(1450)
Comme cette tragédie fait l'objet d'une enquête par les autorités provinciales de protection contre les incendies, vous comprendrez que mes commentaires sur ce dossier en particulier se limiteront à ce que j'ai déjà dit.
[Traduction]
Le sénateur Moore : Eh bien, il n'est peut-être pas pertinent de formuler des observations relativement à cette affaire précise, monsieur le leader, mais il doit sûrement y avoir un processus afin que quiconque fait l'achat de matériel de prévention des incendies dans une réserve soit tenu de vérifier que ce matériel fonctionne pour les infrastructures existantes. Donc, quelle que soit la réserve, j'aimerais savoir qui est responsable d'effectuer cette vérification.
J'estime que c'est très important, parce que cela peut se produire dans d'autres réserves du pays. Il y a sûrement un mécanisme de surveillance quelconque. Je comprends ce que vous dites au sujet de la formation. Je comprends aussi qu'une enquête aura lieu relativement à cet événement tragique. Cependant, le fait que ce camion-pompe n'ait pas pu répondre à l'appel ce soir-là est assez tragique, et j'aimerais savoir qui est responsable de contrôler ce genre de choses et de veiller à ce qu'elles n'arrivent pas.
[Français]
Le sénateur Carignan : Sénateur, comme vous le savez, les autorités provinciales de protection contre les incendies procèdent en ce moment à une enquête dans le cadre de ce dossier. Ainsi, vous me permettrez de ne pas le commenter.
[Traduction]
Le sénateur Moore : Je comprends cela, monsieur le leader, mais si vous ne voulez pas formuler de commentaires maintenant, j'aimerais que vous preniez la question en délibéré pour y répondre plus tard.
La sécurité publique
Les ressources consacrées à la prévention des incendies
L'honorable Wilfred P. Moore : Honorables sénateurs, dans le cadre de l'étude dont la sénatrice Dyck a parlé — il est d'ailleurs intéressant que vous ayez parlé du Québec —, le responsable de la sécurité-incendie dans les réserves au Québec a indiqué qu'aucun registre central ne permet de recueillir les renseignements relatifs aux incendies, comme leur cause, les interventions effectuées et la valeur des pertes. Le chef du service d'incendie d'Ottawa, la capitale nationale, qui était présent lors de la même audience, a affirmé que la situation était la même à l'échelle du pays.
J'aimerais donc savoir si le gouvernement pourrait envisager de créer un registre central ou un poste — j'ignore cependant quel titre on pourrait lui attribuer — qui serait chargé de rassembler les renseignements de ce type et de formuler des conseils en matière de lutte contre les incendies, voire d'offrir de l'aide aux personnes qui cherchent à déterminer la couverture d'assurance et l'équipement qu'il leur faut. Serait-ce une possibilité?
[Français]
L'honorable Claude Carignan (leader du gouvernement) : Sénateur, comme je l'ai dit, vous soulevez des éléments qui ont trait à la formation. Cet aspect sera sûrement examiné dans le cadre de l'enquête menée par les autorités provinciales de sécurité et de prévention des incendies. Vous me permettrez donc de ne pas faire de commentaires.
[Traduction]
Le sénateur Moore : Je reviens sur la question. Loin de moi l'idée de vous demander de faire des commentaires sur la situation actuelle et la mort des deux bébés — je comprends —, mais j'aimerais savoir si vous pourriez envisager de créer un bureau qui recueillerait l'information relative aux pertes attribuables aux incendies, notamment les causes de chaque incendie, la valeur des pertes ainsi que l'équipement qui était disponible et celui qui aurait éventuellement dû l'être. Seriez-vous prêts à envisager cette possibilité?
[Français]
Le sénateur Carignan : Sénateur, si vous le désirez, je vous invite à écrire au ministre afin de lui transmettre votre suggestion, compte tenu de votre volonté manifeste d'améliorer la prévention des incendies. Quant à nous, nous allons continuer de travailler avec les communautés et les associations de pompiers que j'ai mentionnées tout à l'heure pour favoriser une intervention efficace à l'aide de l'équipement approprié.
[Traduction]
Son Honneur le Président intérimaire : J'informe les sénateurs que le temps alloué à la période des questions est écoulé.
ORDRE DU JOUR
Les travaux du Sénat
L'honorable Yonah Martin (leader adjointe du gouvernement) : Honorables sénateurs, conformément à l'article 4-13(3) du Règlement, j'informe le Sénat que, lorsque nous passerons aux affaires du gouvernement, le Sénat abordera les travaux dans l'ordre suivant : le projet de loi C-18 et le projet de loi C-47, suivis des motions nos 86 et 82, suivies des autres articles dans l'ordre où ils figurent au Feuilleton.
Projet de loi sur la croissance dans le secteur agricole
Projet de loi modificatif—Troisième lecture
L'ordre du jour appelle :
Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Plett, appuyée par l'honorable sénatrice Frum, tendant à la troisième lecture du projet de loi C-18, Loi modifiant certaines lois en matière d'agriculture et d'agroalimentaire.
L'honorable Claudette Tardif : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd'hui à l'occasion de la troisième lecture du projet de loi C-18, Loi modifiant certaines lois en matière d'agriculture et d'agroalimentaire, plus connue sous le titre de Loi sur la croissance dans le secteur agricole.
Le Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts, dont je suis membre, a eu l'occasion d'entendre plusieurs témoins au cours de l'étude du projet de loi C-18. L'objectif avoué de ce projet de loi est d'appuyer l'innovation et d'accroître l'accès aux marchés internationaux en modernisant les normes canadiennes en vue de se conformer à la Convention internationale pour la protection des obtentions végétales de 1991, plus connu sous le titre de convention de l'UPOV de 1991.
La Loi sur la croissance dans le secteur agricole est un projet de loi omnibus. Comme je l'ai mentionné dans mes remarques à l'étape de la deuxième lecture, il s'agit d'une mesure législative vaste et assez technique. L'ampleur même du projet de loi C-18 pose problème. Le fait de regrouper de nombreuses modifications différentes à diverses lois nous empêche de débattre pleinement et d'examiner attentivement les mesures législatives, comme elles devraient l'être. Cela met les parlementaires dans une situation difficile, car souvent, ils sont d'accord avec certaines parties du projet de loi, mais s'opposent à certaines autres. Or, ils sont forcés de voter sur tous les changements à la fois.
Honorables collègues, bien que le projet de loi C-18 modifie neuf lois différentes, le gros du débat qu'a tenu le comité au cours de son étude portait sur les modifications proposées à la Loi sur la protection des obtentions végétales. Des témoins ont fait des commentaires sur les changements apportés à la Loi sur les programmes de commercialisation agricole et à la Loi sur les sanctions administratives pécuniaires en matière d'agriculture et d'agroalimentaire. Peu de débats, voire aucun, ont été tenus sur les changements apportés à la Loi relative aux aliments du bétail, à la Loi sur les engrais, à la Loi sur les semences, à la Loi sur la santé des animaux, à la Loi sur la protection des végétaux et à la Loi sur la médiation en matière d'endettement agricole.
La plupart des témoins souscrivaient aux dispositions du projet de loi C-18 et étaient en faveur de la mesure législative. Ils appuyaient les modifications à la Loi sur la protection des obtentions végétales, lesquelles permettraient d'harmoniser la législation canadienne à la convention de l'UPOV de 1991. Ils avaient bon espoir que ces modifications faciliteraient le commerce et stimuleraient l'innovation. Ils croient que les agriculteurs auront accès à de meilleures variétés de plantes, car la communauté internationale s'oppose à l'heure actuelle à ce que certaines variétés de plantes soient vendues sur le marché canadien parce que la version actuelle de la Loi sur la protection des obtentions végétales ne protège pas suffisamment les droits de propriété intellectuelle. Voici ce que Rick White, de la Canadian Canola Growers Association, a dit à ce sujet :
Certaines des modifications contenues dans le projet de loi C-18 devraient favoriser l'innovation en agriculture et une prise de décisions mieux adaptée par le gouvernement. Nous saluons tout particulièrement le gouvernement pour sa proposition de modifier la Loi sur la protection des obtentions végétales afin d'harmoniser le régime canadien avec l'UPOV 91, la norme internationale adoptée par d'importants concurrents du Canada, tout en prévoyant une exemption autorisant les agriculteurs à conserver des semences pour leur propre usage dans leur ferme.
Cela dit, aucun projet de loi n'est parfait, et il y a toujours des préoccupations. Je peux assurer aux honorables sénateurs que j'ai demandé à tous les témoins qui ont comparu au comité de nous parler de leurs préoccupations ou de celles que d'autres témoins avaient soulevées, ou de nous expliquer comment eux ils interprétaient la mesure législative proposée.
Je suis sûre que tous les sénateurs s'entendraient pour dire que nous devons veiller à ce que tous les points de vue puissent être exprimés sur un projet de loi donné, que c'est notre rôle en tant que sénateur. Il faut notamment écouter les opinions des minorités, et c'est d'ailleurs pour protéger les minorités que nous sommes ici. Le nombre de personnes représentées par un groupe ou une organisation importe peu. Qu'un groupe compte des milliers ou des centaines de membres, chaque Canadien a le droit d'être entendu.
(1500)
J'aimerais maintenant mentionner certaines des préoccupations formulées à l'étape de l'étude en comité du projet de loi C-18.
Contrairement à ce qu'a affirmé mon honorable collègue, le sénateur Plett, jeudi dernier, lors de la troisième lecture, nous avons entendu non pas deux, mais bien quatre témoins qui ne soutenaient pas le projet de loi C-18 : le Réseau pour une alimentation durable, l'auteur et chercheur Devlin Kuyek, les AmiEs de la Terre de Québec et le Syndicat national des cultivateurs. De plus, certains des groupes qui appuyaient ce projet de loi ont exprimé des réserves. Deux d'entre eux, soit la Fédération canadienne de l'agriculture et l'Association pour le commerce des produits biologiques, ont fait des recommandations en vue d'améliorer le projet de loi.
[Français]
La semaine dernière, pour répondre à une question posée par l'honorable sénatrice Bellemare, mon collègue de l'autre côté nous a dit que les témoins de la province de Québec qui ont comparu devant le comité étaient tous en faveur du projet de loi. Permettez-moi de citer Mme Gagnon-Légaré, des AmiEs de la Terre de Québec. Elle a dit ce qui suit, et je cite :
Quant à la question plus générale de l'adoption de la norme UPOV 91, nous avons des préoccupations très, très fortes, aux AmiEs de la Terre de Québec...
[Traduction]
Le principal sujet de préoccupation, ce sont les modifications à la Loi sur la protection des obtentions végétales qui donneraient beaucoup plus de « droits » aux obtenteurs, mais seulement un « privilège » aux agriculteurs. Certes, les témoins voyaient généralement d'un bon œil l'amendement proposé par le gouvernement à l'autre endroit, qui permettrait aux agriculteurs de stocker et d'entreposer des semences à des fins de multiplication sur leur exploitation, mais certains craignaient que les droits exclusifs accordés aux obtenteurs puissent empiéter sur le privilège accordé aux agriculteurs. Notons aussi que le projet de loi C-18 autorise le gouvernement à modifier par voie de règlement, au cas par cas, le privilège accordé aux agriculteurs.
Quand j'ai questionné les témoins, j'ai constaté que la plupart ne savaient pas que le gouverneur en conseil pouvait avoir recours à un règlement pour restreindre ou révoquer le privilège accordé aux agriculteurs. Le projet de loi C-18 donne au ministre le droit d'exempter, de modifier et d'exclure. Bien que le ministre de l'Agriculture et de l'Agroalimentaire ait déclaré au comité qu'il ne mettrait en œuvre aucun règlement restreignant le privilège accordé aux agriculteurs sans consultation préalable, les circonstances pourraient changer. Le gouvernement semble se borner à répéter : « Ne vous inquiétez pas, nous mènerons des consultations. »
Honorables sénateurs, il est important de consulter à la fois ceux qui sont d'accord avec le gouvernement et ceux qui ne sont pas d'accord avec lui, ce que le gouvernement a beaucoup de difficulté à faire. Je ne mets pas en doute la bonne foi du ministre, mais je crains que le privilège des agriculteurs ne soit révoqué ou restreint au fil du temps.
Lors de son témoignage, M. Boehm, du Syndicat national des cultivateurs, a dit ceci :
Le sélectionneur obtient une longue liste de droits exclusifs, et l'agriculteur obtient un privilège, lequel est conditionnel et pourrait être révoqué.
M. Holmes, de l'Association pour le commerce des produits biologiques au Canada, a également soulevé des inquiétudes. Je le cite :
[...] nous craignons toujours que le projet de loi puisse engendrer des règlements qui pourraient retirer ou restreindre le privilège de l'agriculteur selon le type de culture ou le retirer à certains groupes précis d'agriculteurs.
Plusieurs témoins ont dit s'attendre à être consultés au sujet de toute modification de la réglementation liée à la Loi sur la protection des obtentions végétales. C'est pourquoi j'ai proposé que le projet de loi C-18 soit amendé pour qu'il soit explicite que le gouverneur en conseil peut mettre en place un règlement, mais seulement après consultation du Comité consultatif sur la protection des obtentions végétales. Cet amendement aurait donné l'assurance que le privilège des agriculteurs ne serait pas restreint ou révoqué au moyen d'un règlement mis en place sans consultation du comité consultatif.
Honorables sénateurs, l'amendement que j'ai présenté a été proposé par l'un des témoins qui ont comparu devant le comité. Malheureusement, les membres du parti ministériel qui siègent au Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts ont voté contre cet amendement.
[Français]
Un autre aspect du projet de loi C-18 qui suscite quelques préoccupations est le fait qu'il ouvre la porte à un système de redevances en fin de chaîne. Ce système permettrait aux obtenteurs d'exiger le paiement de redevances sur le produit de la récolte.
À l'heure actuelle, les redevances sont payées au moment de l'achat des semences. Certains témoins, comme l'Union nationale des fermiers et l'Association pour le commerce des produits biologiques au Canada, ont dénoncé ce système qui bénéficierait davantage aux grandes entreprises. Dans un document soumis au comité, l'Union nationale des fermiers explique que le fait que les agriculteurs aient explicitement le pouvoir, en vertu du projet de loi C-18, de sauver et de stocker leurs semences à des fins de multiplication de la variété végétale, constitue une menace au profit des obtenteurs. Selon l'Union nationale des fermiers, et je cite :
Cette interprétation dévalorise encore plus le privilège accordé aux agriculteurs au paragraphe 5.3(2) en déplaçant simplement le point de perception des redevances du point de vente des semences au point de vente de la culture récoltée.
De son côté, M. Banack, de la Fédération canadienne de l'agriculture, a affirmé que, dans la mesure où les redevances sont perçues à la récolte, la fédération souhaite que le gouvernement entreprenne des consultations sérieuses pour s'assurer que ce type de redevances soit raisonnable et appuyé par l'industrie.
Lors de son témoignage, M. Holmes, de l'Association pour le commerce des produits biologiques au Canada, craignant que ce type de système ne pénalise les agriculteurs qui choisissent de sauver leurs semences, a proposé que le comité adopte un amendement selon lequel les redevances de fin de chaîne ne puissent pas être plus élevées que celles qui sont perçues à la vente initiale des semences. Cela permettrait de protéger les agriculteurs de produits biologiques, qui sont souvent obligés d'avoir recours à cette pratique en raison de la faible disponibilité des semences biologiques.
C'est la raison pour laquelle j'ai proposé deux amendements qui traitent de cette question. D'ailleurs, les termes « end-point royalty » et « système de redevances de fin de chaîne » ne sont pas définis dans le projet de loi. Encore une fois, ces amendements n'ont pas été acceptés.
Une autre inquiétude qui a été soulevée par quelques témoins est liée au fait que le gouvernement mise trop sur le financement privé pour favoriser l'innovation au sein de l'industrie de l'agriculture. Le professeur Gray, un chercheur en économie et en biodiversité de l'Université de la Saskatchewan, nous a expliqué ce qui suit, et je cite :
[Traduction]
[...] il ne faut pas s'attendre à ce que le projet de loi C-18 suscite une pluie d'investissements privés dans la recherche sur le blé, l'orge ou d'autres cultures à pollinisation libre semblables.
Nous risquons vraiment d'empirer beaucoup une situation qui n'est déjà pas reluisante si nous réduisons encore le financement public de la recherche avant que la recherche privée ne soit en mesure de générer suffisamment de revenus.
[Français]
Plusieurs témoins, comme le chercheur Devlin Kuyek et les représentants du Réseau pour une alimentation durable, de l'Union nationale des fermiers, des AmiEs de la Terre de Québec et de l'Association pour le commerce des produits biologiques au Canada ont tous exprimé leurs inquiétudes en ce qui a trait à la privatisation de la recherche et du développement dans le domaine de l'agriculture au Canada. Selon eux, il faudrait se méfier des politiques qui restreignent le financement public de la recherche scientifique.
[Traduction]
À ce sujet, M. Mooney, du Réseau pour une alimentation durable, explique :
Je pense que nous voyons une baisse de l'innovation. Quand il y a un oligopole sur le marché, il n'y a pas beaucoup d'innovation. Rien ne motive à l'innovation. Tout motive à faire de la publicité.
[Français]
L'idée que le secteur privé comblera la diminution des études scientifiques publiques qui sont menées au Canada, comme le croit le gouvernement, n'est donc pas justifiée. M. Devlin Kuyek, un chercheur dans le domaine de l'agriculture, nous a expliqué ce qui suit, et je cite :
[Traduction]
On se dit que plus on perçoit de redevances, plus l'argent sera canalisé vers la recherche et le développement ou vers la sélection végétale. Je pense qu'on va un peu loin. Encore là, la plupart des entreprises qui percevront des redevances se trouveront à l'extérieur du Canada. Elles ne vont pas faire de sélection végétale au Canada. Il est utopique de croire que cet argent servira à faire de la sélection végétale au Canada.
[Français]
De plus, dans le but de protéger leurs découvertes, les compagnies privées partagent rarement leurs études, et encore moins leurs produits génétiques. Certains témoins ont souligné que les études privées mènent à une uniformité des espèces de plantes, ce qui commence déjà à entraîner des problèmes. À cet égard, Mme Gagnon-Légaré, des AmiEs de la Terre de Québec, s'est exprimée ainsi, et je cite :
En adoptant la norme UPOV 91, le Canada nuirait au maintien et à l'expansion de la biodiversité agricole.
(1510)
[Traduction]
J'aimerais maintenant me pencher sur les modifications apportées à la Loi sur les sanctions administratives pécuniaires en matière d'agriculture et d'agroalimentaire. M. Dave Solverson, de la Canadian Cattlemen's Association, a dit ce qui suit :
Nous sommes en faveur de sanctions pécuniaires lorsqu'il y a abus. [...] Pour tout autre acte de cruauté envers les animaux, nous pensons qu'un puissant dissuasif au moyen d'amendes est préférable à la réglementation de toute l'industrie, que l'on punirait ainsi pour quelques actes commis. Nous sommes donc en faveur d'un puissant dissuasif sous forme de sanction pécuniaire.
M. Solverson a néanmoins formulé certaines réserves à ce sujet. Voici son explication :
Nous sommes davantage préoccupés par la mise en œuvre de la Loi sur les sanctions administratives pécuniaires en matière d'agriculture et d'agroalimentaire que par les pouvoirs conférés par le projet de loi. [...] On n'a pas établi de continuum clair pour les infractions mineures, graves et très graves [...] Cela revient à la mise en œuvre. Nous n'avons pas d'amendement à suggérer au comité à cet égard, mais nous tenions à ajouter cette préoccupation au compte rendu.
Je sais que les modifications apportées à l'alinéa 4(2)b) de la Loi sur les sanctions administratives pécuniaires en matière d'agriculture et d'agroalimentaire ne font qu'augmenter les sanctions maximales prescrites et non les sanctions minimales, mais j'invite les responsables de la réglementation à définir clairement le montant des sanctions associées à différentes infractions afin que cela soit clair pour tous les intervenants.
[Français]
En ce qui a trait aux changements proposés au Programme de paiements anticipés, il est clair que les changements sont grandement appréciés par les groupes affectés. Je suis aussi en faveur de plusieurs de ces changements. Cependant, selon un commentaire qui a été entendu lors des témoignages, la limite de prêts actuelle de 400 000 $ ne représente pas les coûts d'exploitation réels des agriculteurs. M. Banack, de la Fédération canadienne de l'agriculture, a expliqué qu'il fait face à des frais d'exploitation de 800 000 $ à 900 000 $. Il a aussi mentionné que les membres de la fédération étaient déçus du fait que la limite des paiements anticipés n'ait pas été augmentée depuis 2006.
[Traduction]
Honorables sénateurs, il est évident que, contrairement à ce que mon collègue d'en face a tenté d'affirmer, le projet de loi C-18 suscite plusieurs préoccupations. Il y a la réduction du financement de la recherche publique, les restrictions possibles en ce qui a trait aux privilèges des agriculteurs, les préoccupations au sujet des redevances de fin de chaîne, les incertitudes associées à l'administration des sanctions pécuniaires et la limite insuffisante du Programme de paiements anticipés. Or, bien que les lois canadiennes en matière d'agriculture aient besoin d'une mise à jour, nous devons de toute évidence veiller à atteindre un équilibre équitable et viable entre la protection de nos agriculteurs et celle des obtenteurs.
J'ai proposé trois amendements au projet de loi C-18 en réponse à certaines des préoccupations soulevées par les témoins. Les sénateurs de l'autre côté qui siègent au comité ont choisi de voter contre chacun d'entre eux, sans débat ni explication.
En conclusion, malgré les préoccupations exprimées par certains témoins, je reconnais que de nombreuses dispositions du projet de loi C-18 sont constructives et que le projet de loi a une certaine valeur.
Cela dit, il faudra absolument surveiller de près l'impact du projet de loi, lequel permet d'apporter des modifications par décret, à l'aide de pouvoirs ministériels accrus et au moyen d'incorporations par renvoi, sans aucun débat public et sans examen parlementaire ou consultation. Il faudra surveiller les effets de l'harmonisation de la loi canadienne avec la convention de l'UPOV de 1991, tout comme les règlements qui seront pris dans les années subséquentes.
Son Honneur le Président intérimaire : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?
Des voix : D'accord.
Des voix : Avec dissidence.
(La motion est adoptée et le projet de loi, lu pour la troisième fois, est adopté avec dissidence.)
Projet de loi corrective de 2014
Troisième lecture—Ajournement du débat
L'honorable Paul E. McIntyre propose que le projet de loi C-47, Loi visant à corriger des anomalies, contradictions ou erreurs relevées dans les Lois du Canada et à y apporter d'autres modifications mineures et non controversables ainsi qu'à abroger certaines dispositions ayant cessé d'avoir effet, soit lu pour la troisième fois.
—Votre Honneur, honorables sénateurs, vous vous rappellerez peut-être que je suis intervenu dans le débat sur ce projet de loi à l'étape de la deuxième lecture le 11 décembre dernier, et que le sénateur Baker a parlé de cette mesure avec éloquence le 3 février. Je n'ai pas l'intention de répéter tout ce qui a été dit. Essentiellement, comme l'a fait remarquer le sénateur Baker dans son discours à l'étape de la deuxième lecture, le projet de loi a été étudié par le Comité de la justice de la Chambre des communes ainsi que par le Comité sénatorial des affaires juridiques et constitutionnelles. Ces deux comités ont fait rapport de leur examen, et le projet de loi dont nous sommes saisis tient compte des constatations de ces deux rapports de comité. Le programme de correction des lois, créé en 1975, consiste en un exercice législatif périodique consistant à corriger des anomalies, des contradictions, des expressions archaïques et des erreurs qui se seraient glissées dans les lois du Canada. Il nous permet également d'abroger certaines dispositions qui ont cessé d'avoir effet.
[Français]
Dans le cadre du programme de correction des lois, les amendements proposés ne peuvent être controversés ni comporter de dépenses de fonds publics.
[Traduction]
Par conséquent, les propositions ne doivent pas porter atteinte aux droits de la personne et elles ne doivent pas créer d'infraction ni assujettir une nouvelle catégorie de justiciables à une infraction existante. De plus, comme les modifications ne doivent pas être controversables, l'examen est mené par consensus : tous les membres du comité doivent approuver chacune des modifications. Ainsi, si un seul des membres de l'un ou l'autre des comités s'oppose à une proposition de modification législative, celle-ci ne sera pas incluse dans le projet de loi. Les deux comités ont fait leur travail, chers collègues, et le ministère de la Justice a rédigé le projet de loi sur la base des rapports des deux comités.
Étant donné que les comités ont déjà examiné et approuvé le contenu du projet de loi, les trois lectures de ce type de projet de loi ont habituellement lieu sans débat dans chacune des Chambres. Je vous remercie, honorables sénateurs, et j'espère que ce projet de loi sera adopté rapidement.
(Sur la motion de la sénatrice Fraser, au nom du sénateur Baker, le débat est ajourné.)
Le Sénat
Motion tendant à reconnaître la nécessité de prévoir une sécurité entièrement intégrée dans toute la cité parlementaire et sur le terrain de la Colline du Parlement, et d'inviter la Gendarmerie royale du Canada à diriger la sécurité opérationnelle—Fixation de délai—Adoption de la motion
L'honorable Yonah Martin (leader adjointe du gouvernement), conformément à l'avis du 19 février 2015, propose :
Que, conformément à l'article 7-2 du Règlement, pas plus de six heures de délibérations additionnelles soient attribuées à l'étude la motion no 82 sous la rubrique « Affaires du gouvernement », portant sur la sécurité sur la Colline du Parlement.
Son Honneur le Président intérimaire : Honorables sénateurs, avant de lancer le débat, j'aimerais énoncer les dispositions particulières qui régissent la motion no 86. Tout d'abord, le débat durera un maximum de deux heures et demie, et aucune modification ne pourra être proposée pendant cette période. On ne peut pas ajourner le débat, et le Sénat ne pourra pas s'ajourner avant que la motion ait fait l'objet d'une décision. Les leaders pourront parler pendant un maximum de 30 minutes, et les autres sénateurs, pendant un maximum de 10 minutes chacun. Si un vote nominal est demandé à la fin du débat, le timbre retentira pendant une heure, à moins que la Chambre s'entende sur une période plus brève. Le vote ne pourra être différé.
L'honorable sénatrice Martin a la parole.
(1520)
La sénatrice Martin : Honorables sénateurs, je prends la parole au sujet de la motion nº 86 qui propose que, conformément à l'article 7-2 du Règlement, pas plus de six heures de délibérations additionnelles ne soient attribuées à l'étude de la motion nº 82 sous la rubrique « Affaires du gouvernement », concernant la nécessité d'une sécurité pleinement intégrée dans la cité parlementaire et sur la Colline du Parlement.
La motion nº 86 permet de tenir un débat efficace et opportun sur la motion no 82.
La motion no 82 est une importante initiative ministérielle, qui est identique à la motion que les Communes ont débattue et adoptée le 16 février.
L'attaque choquante qui s'est produite sur la Colline du Parlement le 22 octobre 2014 remonte déjà à quelques mois. Certains honorables sénateurs peuvent soutenir que le préavis concernant la motion nº 82 n'a été donné au Sénat que le 5 février et que le débat n'a commencé que le 17 de ce mois. Toutefois, ce n'est certes pas la première fois que nous abordons la question de la sécurité qui fait l'objet de la motion. La sécurité est d'une importance critique non seulement pour les parlementaires, mais aussi pour notre personnel et le public qui fréquente la Colline du Parlement sur une base quotidienne. L'adoption de la motion no 82 est une priorité, compte tenu des menaces croissantes à la sécurité, qui nous ont malheureusement touchés nous-mêmes de très près.
Dans nos discussions quotidiennes, la leader adjointe d'en face et moi-même n'avons pas réussi à nous entendre sur le temps à consacrer à la motion no 82. Cette motion destinée à attribuer un maximum de six heures au débat sur la motion no 82 constitue tout simplement une mesure que nous prenons aujourd'hui pour assurer un débat efficace et animé ainsi qu'une adoption rapide de la motion no 82.
J'exhorte donc tous les honorables sénateurs à adopter la motion no 86.
L'honorable James S. Cowan (leader de l'opposition) : Votre Honneur, honorables collègues, une fois de plus le gouvernement abuse du pouvoir que lui confère le Règlement pour mettre un terme au débat sur les affaires du gouvernement. J'ose ajouter que le Sénat est actuellement saisi d'un rapport qui donnerait au gouvernement le même pouvoir — dont je suppose qu'il abuserait de la même façon — à l'égard des affaires non gouvernementales. Faisons bien attention à cela. Toutefois, nous parlons ici d'affaires du gouvernement, et celui-ci a certainement le droit, dans les circonstances qui l'exigent, de recourir à l'attribution de temps pour limiter le débat.
Toutefois, cette motion n'est absolument pas nécessaire en ce moment. Il n'y a pas eu d'obstruction, il n'y a pas eu de retard. Il n'y a aucune raison de ne pas tenir un débat raisonné sur une question de la plus haute importance — car nous convenons tous qu'elle est importante — concernant notre sécurité, à titre de parlementaires, et celle des gens qui travaillent ici ou qui sont en visite sur la Colline. La question est très importante. Les événements du 22 octobre sont, comme l'a dit la sénatrice Martin, gravés d'une façon indélébile dans nos esprits. Le gouvernement a affirmé qu'ils sont à la source de la motion dont nous sommes saisis aujourd'hui.
Lorsque le gouvernement a donné un préavis de cette motion puis l'a déposée, nous avons posé des questions et demandé des précisions. On peut dire que les réponses du gouvernement ont été pour le moins confuses. En fait, la presse rapporte aujourd'hui que le sénateur White a dit : « Bien entendu, la GRC rendra compte de ses activités à son commissaire. »
Eh bien, c'est un élément central de toute la discussion que nous avons eue. Je crois que nous avons tous compris l'importance fondamentale de la séparation des pouvoirs entre les organes législatif et exécutif de l'État. Le gouvernement a cherché à nous rassurer en affirmant que rien dans cette motion n'empiétait sur les droits et privilèges du Parlement ou sur ceux d'entre nous qui travaillent ici.
Par conséquent, j'espère que nous convenons tous que cela est absolument fondamental en ce qui a trait au mandat que nous donnons à notre Président pour négocier en notre nom avec le Président de la Chambre des communes et les fonctionnaires compétents afin de mettre en place ce nouveau régime. Toutefois, si le gouvernement avait été plus franc, s'il avait donné des explications plus complètes, si la motion avait dès le départ été plus claire, si le gouvernement avait offert les précisions que nous avions demandées au cours du débat, tant lors du recours au Règlement que dans le cadre des délibérations sur la motion principale, nous aurions pu nous prononcer sur cette question dès la semaine dernière.
Les questions essentielles ont été posées après les événements du 22 octobre. La Chambre des communes avait chargé la Police provinciale de l'Ontario d'étudier le rôle de son personnel de sécurité. La GRC a demandé à la PPO d'examiner ce qui s'était produit ce jour-là. De notre côté, nous avions depuis quelque temps un comité consultatif mixte de la Chambre des communes et du Sénat sur la sécurité, coprésidé par le sénateur White et le Président Scheer. Comme nous le savons, ils se sont acquittés de leurs responsabilités. Ils sont allés à Washington pour voir ce qui se faisait au Capitole dans un environnement législatif bicaméral et ont évidemment envisagé d'autres possibilités. Toutefois, sans permettre à ces processus — qui étaient bien ce dont nous avions besoin — d'en arriver à une conclusion rationnelle pour que nous puissions profiter des recommandations éclairées découlant de ces travaux, le gouvernement s'est empressé de proposer cette motion, apparemment sans consulter d'autres parlementaires que le premier ministre.
Si le processus approprié avait été suivi, si nous avions eu l'assurance que les solutions de rechange — quelles qu'elles fussent — avaient été dûment étudiées et comparées, et si on nous avait dit qu'il s'agissait d'une recommandation du Comité mixte de la sécurité, nous aurions pu voter sur cette motion la semaine dernière avec un certain degré de confiance. Cependant, même dans ces circonstances, il n'y a pas eu de retard, ni de menace de retard ou d'obstruction de la part de qui que ce soit de ce côté-ci, et je tiens à le souligner.
Par conséquent, nous sommes d'avis que cette motion est inutile et qu'il est prématuré de la part du gouvernement d'abuser du pouvoir qu'il détient de détourner notre attention de la question dont nous devrions être saisis, à savoir le dossier fondamental de la séparation des pouvoirs.
J'espère que, au moment où nous mettrons fin au débat et où nous nous préparerons à voter, nous ferons bloc pour affirmer clairement que la sécurité dans la cité parlementaire doit relever des Chambres du Parlement et qu'elle ne peut être sous le contrôle d'une personne qui rend des comptes au gouvernement du Canada. Il y a une différence entre le Parlement du Canada et le gouvernement du Canada.
Les Chambres du Parlement doivent contrôler la cité parlementaire et, après avoir relu les discussions qui ont eu lieu ici, je pense que personne ne conteste ce principe fondamental. J'espère que le Président actuel sera la personne qui négociera en notre nom avec son homologue, le Président de la Chambre des communes, ainsi qu'avec les autorités compétentes de la GRC, afin d'en arriver à une entente de service qui permettra d'unifier les forces de sécurité et d'améliorer la sécurité des parlementaires, des travailleurs et des visiteurs sur la Colline du Parlement. J'espère aussi que le contrôle et la responsabilité ultimes des structures mises en place incomberont au Parlement, par le truchement des Présidents. Sauf erreur, l'objectif consiste à faire en sorte que le Comité mixte de la sécurité continue d'exister en tant qu'organisme consultatif auprès des Présidents, et j'espère que ce sera le cas.
En terminant, j'aimerais signaler une différence, une nuance entre la façon dont les choses se passent ici et à la Chambre des communes, d'après ce que je comprends. Au Sénat, le contrôle de la cité parlementaire est dévolu au Comité de la régie interne. Si je ne m'abuse, à l'autre endroit, ce pouvoir est confié au Président de la Chambre des communes. Ici, le Président du Sénat préside le Comité de la régie interne. Par conséquent, c'est vraiment à titre de président de ce comité qu'il va négocier en notre nom, même s'il assume aussi ce rôle à titre de représentant de notre institution en sa qualité de Président.
Comme je l'ai dit, j'espère que nous sommes tous du même avis pour ce qui est de reconnaître et d'accepter cette séparation fondamentale des pouvoirs, et aussi le fait que la responsabilité de la sécurité dans la cité parlementaire doit, en dernière analyse, relever des parlementaires, et non du commissaire de la GRC.
(1530)
La Loi sur la Gendarmerie royale du Canada, à laquelle le sénateur Joyal a fait allusion la semaine dernière, dit clairement que le commissaire de la GRC fait rapport au ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile. Nous allons laisser au gouvernement le soin de concilier cette disposition législative très claire avec le principe qui, selon nous tous, doit sous-tendre l'entente de service. La semaine dernière, nous avons invoqué le Règlement afin d'attirer l'attention des sénateurs et du Président sur le fait qu'il faut se pencher sur des dispositions claires de la Loi sur le Parlement du Canada et de la Loi sur la Gendarmerie royale du Canada. Nous avons fait valoir que ces dispositions ne devaient pas faire l'objet d'une motion au Sénat ou à la Chambre des communes, mais plutôt d'une modification.
Honorables sénateurs, je regrette vivement que le gouvernement ait jugé nécessaire d'imposer inutilement la clôture du débat. Je préférerais que nous discutions du bien-fondé de la motion dont le Sénat est saisi, de façon à pouvoir agir de façon ordonnée, comme nous le faisions, avant de voter sur cette motion.
L'honorable Larry W. Campbell : Honorables sénateurs, j'espère sincèrement que, avant de quitter le Sénat, je n'entendrai plus les représentants du gouvernement utiliser constamment l'expression « en temps opportun et de manière efficace ». Cette expression laisse croire que nous n'agissons pas en temps opportun et de manière efficace. Pourtant, cela n'a jamais été le cas ici. Je n'ai encore jamais vu les gens de ce côté tenter de bloquer une initiative qui, de toute évidence, sera adoptée. Pourquoi retarderions-nous ou rejetterions-nous une telle mesure? Ai-je l'air d'avoir des tendances suicidaires? La motion concerne tous les sénateurs, ainsi que leurs employés et le public. Elle a trait à notre sécurité. Malheureusement, je n'étais pas ici le 22 octobre. Je me trouvais dans un endroit beaucoup plus sûr, c'est-à-dire en Ukraine.
Assurément, nous ne pouvons pas prétendre que quiconque parmi nous n'est pas intéressé par la santé et la sécurité au Sénat. Nous avons immédiatement mis sur pied un comité et nous nous sommes mis au travail sans tarder. En moins de quatre mois, nous avons armé tout un service de gardiens de sécurité. Nous avons fait appel à la GRC pour les portails extérieurs. Nous avons établi des périmètres. Il se fait ici des choses dont vous n'avez pas idée et qui se poursuivent pour nous protéger. Pourtant, on nous accuse de ne pas agir promptement et efficacement.
Comment l'idée d'avoir une force de sécurité unique sur la Colline est-elle née? Elle est née grâce à ce comité, enfin, après que, comme on l'a signalé d'un côté comme de l'autre, on eut négligé pendant des années le fait que nous devons avoir une seule force de sécurité et non pas deux. Vous ne pouvez imaginer à quel point j'ai été horripilé lorsque j'ai appris que la sécurité du premier ministre, assurée par la GRC, avait été confiée au service de l'autre endroit. Je ne sais vraiment pas comment on en est arrivé là, mais s'il existe un poste plus dangereux que celui-là, j'aurais beaucoup de mal à le trouver. Pourtant, cela ne se voit plus.
Nous entendons dire que les menaces à la sécurité sont de plus en plus lourdes. Quelqu'un aurait-il l'obligeance de me dire où se trouvent ces menaces? S'agit-il d'un type dérangé, psychotique et cocaïnomane qui s'emparerait d'un fusil — laissons de côté la question du registre des armes d'épaule — et qui surgirait sur la Colline? Croyons-nous vraiment que ce type est lié à l'EIIS ou à quelque autre organisation terroriste? Le commissaire dit qu'il a un film qui pourrait nous aider à comprendre. Malheureusement, pour une raison quelconque, nous n'avons pas pu voir ce film, et nous devrions le voir avant de nous engager dans nos travaux.
Je voudrais que quelqu'un, en face, nous explique ces menaces qui pèsent sur la sécurité. Si vous pouviez les décrire, si elles étaient si lourdes et imminentes, nous n'aurions même pas cette discussion. Nous irions de l'avant, comme nous l'avons fait immédiatement après cet incident.
Il y a des mythes qui ont cours par ici. Je ne sais vraiment pas d'où est venue cette idée d'un décalage de 45 minutes entre le confinement pour l'autre endroit et le nôtre. Tous ceux avec qui j'ai discuté ont dit qu'il n'y avait eu aucun décalage. Il y a eu des coups de feu, et nous avons aussitôt été confinés. Il peut y avoir un certain flottement dans l'interprétation qu'un civil peut donner au confinement, mais je vous dis que, lorsque des coups de feu sont tirés et que la police vous demande de rester dans une salle et de ne pas partir, vous êtes confinés. On ne va nulle part. Ce n'est qu'un autre élément intrigant, voire une erreur que nous entendons et acceptons sans discuter, tout comme nous acceptons qu'il existe une menace imminente.
Le gouvernement ne fait-il plus confiance à notre comité, au sous-comité chargé de la sécurité qui poursuit ses travaux? Si vous avez perdu confiance, dites-le et nous nous en irons. J'aime bien me tenir avec ces gens-là, mais je peux m'occuper ailleurs. Je peux trouver d'autres choses à faire. Dites-nous ce qu'il en est. Ne nous donnez pas un travail à faire pour n'en tenir aucun compte et aller votre chemin. La dernière fois que cela est arrivé, c'est-à-dire que nous avons reçu les idées d'un sous-comité sans y donner suite, nous avons fait intervenir le vérificateur général.
Je vous demande instamment de commencer à y réfléchir. Nous n'allons pas vous faire obstacle. Entamons un débat. Commençons à discuter de la question. Renvoyons-la à un comité. Essayons de voir où nous allons. Au nom du ciel, arrêtez de brandir la massue chaque fois que vous en avez envie. Cela ne fait pas honneur au gouvernement. Cela trahit un peu d'anxiété, mais j'ignore à quel sujet. Je sais compter, honorables sénateurs. Vous êtes assez nombreux pour l'emporter, mais ne nous jetez pas dans l'embarras en vous comportant de la sorte, en reprenant toujours le même refrain. Au moins, lancez l'étude du projet de loi et voyons ce qui se passe.
L'honorable Elaine McCoy : Honorables sénateurs, moi aussi, je prends la parole pour dénoncer, sur le principe, la motion de fixation de délai. Comme mes collègues l'ont dit et répété, aucune vraie raison ne justifie la limitation du débat sur quelque question d'importance. Chose certaine, rien n'indiquait que ce débat sur la motion principale s'éterniserait.
Je suis intervenue pour dire que je proposerais un amendement et demanderais qu'il soit adopté. La motion à l'étude aurait pour effet d'empêcher la présentation de ce sous-amendement. Il y a lieu de se demander si on ne veut pas imposer la clôture pour empêcher la présentation d'une autre proposition qui vise à apporter une amélioration. Ce n'est qu'un prétexte pour imposer la clôture.
Chaque fois qu'on empêche la présentation d'idées et qu'on interrompt un débat, il faut comprendre qu'il s'agit d'intimidation intellectuelle de la part de quelqu'un qui n'a pas assez confiance en soi pour permettre une pleine discussion des diverses possibilités afin qu'on retienne celle qui semble la plus avantageuse.
Sur le principe, je dénonce la motion de clôture.
J'appuie énergiquement, moi aussi, le principe de la séparation du législatif et de l'exécutif; et aussi le principe qui veut que le Sénat et la Chambre des communes conservent le plein pouvoir à l'égard de leurs locaux, de leurs procédures et de leurs façons de faire. La motion no 82 n'est pas claire, à mon avis, pour ce qui est du maintien de ce très important privilège, de cette responsabilité du Sénat et de la Chambre des communes.
L'amendement à l'étude voulant que la sécurité relève des Présidents des deux Chambres apporte une certaine amélioration et répond à l'intention exprimée dans le débat. Il dit clairement pourquoi cette mention a été proposée. Je serais allée plus loin et j'aurais ajouté les mots « sous la seule autorité des deux Chambres », ce qui serait plus précis. Personne n'a oublié, j'espère, que le commissaire de la Gendarmerie royale du Canada s'est fait dire, par son maître politique, le ministre de la Sécurité publique, qu'il ne pouvait rencontrer personne sans l'autorisation du ministre. Vous vous en souvenez, n'est-ce pas?
(1540)
Des voix : Oui.
La sénatrice McCoy : Cet ordre tient toujours, et — à ma grande surprise et à mon grand désarroi — le commissaire refuse de perpétuer les traditions associées à ses fonctions et d'exiger qu'on le laisse faire son travail avec intégrité et sans ingérence politique. Si vous faites encore confiance au commissaire ou à la GRC après cela, je vous en supplie, pensez-y à deux fois. Personnellement, cela est loin de me convaincre que la GRC serait prête à faire ce qu'il faut dans le respect total des pouvoirs de la Chambre des communes et du Sénat du Canada.
Je vais m'arrêter ici pour le moment, mais j'ai l'intention de participer de nouveau au débat sur la motion no 82. Merci.
L'honorable Serge Joyal : Honorables sénateurs, je vais peut-être avoir l'air légaliste aux yeux de certains, mais en réalité, si nous voulons être efficaces, comme l'a mentionné la leader adjointe du gouvernement, nous devons bien comprendre la signification du texte.
J'aimerais que vous relisiez le texte de la motion no 82. Que dit-il? Prêtez attention à chacun des mots. Il dit ceci :
[...] qu'il demande, sans délai, au Président [...] d'inviter la Gendarmerie royale du Canada à diriger la sécurité opérationnelle [...] tout en respectant les privilèges, immunités et pouvoirs des Chambres...
Je souligne ce passage : « qu'il demande, sans délai, au Président [...] d'inviter [...] »
Cela ne veut pas dire que le Président devra surveiller la GRC lorsqu'elle sera en charge. Le texte français se lit comme suit :
[Français]
[...] qu'il demande, sans délai, au Président, [...] d'inviter la Gendarmerie royale du Canada à diriger la sécurité opérationnelle [...]
[Traduction]
Je me suis arrêté quelques instants et je me suis interrogé sur le statut du Président du Sénat par rapport à celui du Président de la Chambre des communes. Il est assez clair que l'auteur de cette motion pensait à l'autre endroit. C'est l'article 50 de la Loi sur le Parlement du Canada qui régit le statut du Président de l'autre endroit. J'aimerais citer cet article, car, à mon avis, il est très clair. Voici ce qu'on peut lire à l'article 50 de la Loi sur le Parlement du Canada, intitulé « Bureau de régie interne, Constitution et organisation », au paragraphe 50(1) :
Est constitué le Bureau de régie interne de la Chambre des communes...
— et l'élément important —
... dont la présidence est assumée par le président de la chambre.
Autrement dit, à l'autre endroit, le Président est vraiment le patron. C'est lui qui commande, si l'on se fie au paragraphe 50(2). Maintenant, au paragraphe 50(4), on lit ceci :
Le président fait connaître à la Chambre des communes le nom des membres du bureau [...]
Autrement dit, c'est lui qui gère les membres du bureau.
Qui plus est, voici ce qu'on peut lire au paragraphe 52.1(1) :
Le président peut, s'il estime qu'il y a urgence, exercer les pouvoirs du bureau.
C'est encore plus qu'évident. Il est le bureau, plus ou moins. En cas d'urgence, il n'a même pas à prendre l'initiative d'appeler le bureau. Il est le chef. C'est lui le patron. Il prend la décision et, une fois la décision prise :
(2) Le président fait rapport, à la réunion suivante du bureau, de toute décision prise en vertu du paragraphe (1).
En d'autres termes, cette motion qui propose de demander à la GRC de diriger les services de sécurité correspond très logiquement à la réalité de l'autre endroit.
Pourtant, en ce qui concerne notre Président, ce n'est pas du tout pareil. Si vous prenez le Règlement du Sénat, que dit-il du statut de notre Président? Le paragraphe 2-1(1) dit ce qui suit :
Le Président est chargé :
a) de présider les séances du Sénat;
Il préside les séances du Sénat, comme monsieur le Président au fauteuil. Le Président est aussi chargé :
b) de statuer sur les rappels au Règlement, le bien-fondé à première vue des questions de privilège et les demandes de débats d'urgence;
c) de maintenir l'ordre et de faire observer le décorum.
C'est là le statut de notre Président.
Notre Président n'a pas de responsabilité administrative à proprement parler. Pourquoi? Pour une raison très simple. Parce que notre Président, selon la Constitution, est nommé par le gouvernement. Je vais lire l'article 34 :
Le gouverneur-général pourra, de temps à autre, par instrument sous le grand sceau du Canada, nommer un sénateur comme orateur du Sénat, et le révoquer et en nommer un autre à sa place.
Donc, notre Président, étant nommé par le gouvernement, n'est pas responsable de l'administration du Sénat, car son administration nous incombe.
C'est ce que dit la Loi sur le Parlement du Canada, à l'article 19, qui est très clair là-dessus :
Dans le présent article ainsi qu'aux articles 19.2 à 19.9, « comité » s'entend du Comité sénatorial permanent de la régie interne, des budgets et de l'administration constitué par le Sénat en vertu de son règlement.
La responsabilité d'administrer cet endroit relève donc entièrement du Comité de la régie interne, dont les membres sont nommés par nous — par nous, je le répète, et non par le gouvernement. C'est pourquoi, la plupart du temps, le président de la régie interne est un sénateur. Par le passé, c'était notre estimé collègue, le sénateur Tkachuk, qui le présidait. Le sénateur Kinsella en a été nommé président uniquement durant la dernière partie de son mandat. C'est l'honorable sénateur Nolin qui en assume maintenant la présidence, mais cela n'a rien à voir avec le statut du Président. Rien dans le Règlement, ni dans la Loi sur le Parlement du Canada, ni même dans la Constitution, ne prévoit que l'administration de cet endroit relève du Président.
Dans cette motion, le Président est appelé à inviter — or, ce pouvoir ne lui est conféré qu'après l'entrée en vigueur de la motion. Si j'étais le représentant de la GRC, je dirais : « Qui est le chef ici? Je veux négocier. » Ce ne sera pas le Président. Une fois que la motion sera adoptée, dans sa forme actuelle, une fois que le Président aura invité la GRC à diriger la sécurité, alors ce sera tout. Le libellé de la motion n'investit pas le Président de la responsabilité supplémentaire de s'occuper de la sécurité de cet endroit. Cette responsabilité relève toujours du Bureau de régie interne.
Le sénateur Moore : En effet.
Le sénateur Joyal : Donc, si nous adoptons cette motion et que nous demandons à notre Président d'inviter la police et la GRC à jouer ce rôle conformément à la motion dont nous sommes saisis, alors il n'y aura plus rien à faire. Le Président n'a plus d'autres responsabilités. La GRC peut dire : « Je ne veux pas voir le Président, mais le Bureau de régie interne. » Après tout, rien ne dit qu'à l'avenir, le Président continuera d'assumer la présidence de la régie interne, à moins de vouloir modifier le Règlement du Sénat — je me tourne de nouveau vers le sénateur Tkachuk — ou la Loi sur le Parlement du Canada pour préciser que la présidence de la régie interne incombe au Président.
(1550)
Honorables sénateurs, dans sa version actuelle, la motion crée un vide pour l'avenir. Elle crée un vide dans l'immédiat et un vide dans l'avenir parce que, dans l'immédiat, le Président n'a qu'une responsabilité, c'est-à-dire inviter la GRC.
Le sénateur Moore : C'est tout.
Le sénateur Joyal : Et une fois que cela a été fait, c'est fini. Il me semble que les changements présentés par le sénateur Cowan proposent que la GRC se rapporte au Président. Or, en termes juridiques, se rapporter à quelqu'un signifie relever de l'autorité de cette personne. Se rapporter à quelqu'un signifie lui rendre des comptes. À mon avis, cette modification est essentielle si nous voulons que le Président continue à exercer sa responsabilité durant cette législature. La durée de vie de cette motion est la même que celle de la présente législature. Par conséquent, lorsque nous entamerons une nouvelle législature, si Son Honneur le Président ne préside pas le Comité de la régie interne, toute la responsabilité de la gestion de la sécurité continuera d'incomber audit comité. Je pense qu'il convient d'agir de cette façon, parce que si la gestion de la sécurité relève du Comité de la régie interne, elle continue de relever de tous les sénateurs. Il en est ainsi parce que notre Président est nommé par le pouvoir exécutif et qu'il peut être remplacé au gré de celui-ci. Honorables sénateurs, c'est la loi du pays telle qu'elle existe actuellement.
L'honorable Joan Fraser (leader adjointe de l'opposition) : J'ai dit tellement souvent : « Ça recommence. Qu'est-ce qui presse tant? » Eh bien, je me répète. Ça recommence. Qu'est-ce qui presse tant?
Cette motion de fixation de délai au débat sur la motion no 82 est soit inutile, soit carrément mauvaise. D'une façon ou d'une autre, elle ne mérite pas notre appui. Je pense qu'elle est surtout inutile. Comme plusieurs intervenants l'ont souligné, nous avons déjà un sous-comité du Comité de la régie interne qui est composé de personnes très compétentes qui travaillent très fort pour voir ce qui devrait être fait et, ce qui est tout aussi important, ce qui ne devrait pas être fait relativement à la sécurité sur la Colline du Parlement. Il s'agit d'un comité mixte et j'ai beaucoup de respect pour ses membres. Ceux-ci sont mieux placés que quiconque pour déterminer ce qui devrait être fait ou ne pas être fait en matière de sécurité sur la Colline puisque leur travail porte sur ce dossier.
Alors, cette motion qui nous est tombée du ciel sans crier gare un bon matin est inutile. Nous devrions faire confiance aux gens auxquels nous faisons déjà confiance pour faire le travail.
Cependant, on peut également qualifier cette motion de dangereusement mauvaise. Permettez-moi de vous expliquer pourquoi. Si, pour une raison ou une autre que je n'arrive toutefois pas à concevoir, cette motion était nécessaire pour apporter des changements à notre manière de gérer la sécurité sur la Colline du Parlement, cela constituerait en soi une bonne raison de ne pas nous précipiter et de ne pas imposer le bâillon pour clore le débat. En effet, si cette motion est nécessaire pour parvenir au changement désiré, le Sénat devrait savoir exactement ce qu'on lui demande de faire avec cette motion. Or, nous en savons très peu. Très peu.
Il a été question du rôle des Présidents, et en particulier du rôle du Président du Sénat. Ces discussions ont eu tendance à engendrer de la confusion, selon moi, et non à jeter un bon éclairage sur le sujet. Permettez-moi de vous lire un extrait du discours du sénateur Carignan sur la motion principale, la semaine dernière.
Il a dit ceci :
[...] il est important de noter que la motion demande que la coordination des nouveaux rôles et responsabilités se fasse par l'intermédiaire des bureaux des Présidents. Ce sont les Présidents qui veilleront au maintien de la séparation des pouvoirs parlementaires, entre autres.
Cependant, ce n'est pas ce que dit la motion. Comme l'a fait valoir le sénateur Joyal, la motion demande au Président de s'associer à son homologue de la Chambre des communes pour inviter sans tarder la GRC à prendre les commandes du dispositif de sécurité dans l'ensemble de la Colline du Parlement, y compris à l'intérieur des édifices. Selon le sénateur Carignan, la motion demande que la coordination des nouveaux rôles et responsabilités se fasse par l'intermédiaire des bureaux des Présidents. Pourtant, le texte de la motion ne parle en fait de coordination que pour l'invitation originale. Il ne dit pas un mot sur les rôles des Présidents une fois que l'invitation aura été faite. Je pense que c'est une omission importante et, pour une raison ou une autre, un vote a eu lieu sur une motion équivalente à l'autre endroit, sans que le gouvernement accepte d'amender la motion pour préciser le rôle des Présidents par la suite. Le sénateur Cowan nous propose un amendement semblable pour préciser la motion du Sénat. Comment dire? Compte tenu de son refus de l'amendement présenté à l'autre endroit, je ne suis pas très optimiste quant à la probabilité que le gouvernement accepte cet autre amendement. Croyez-vous que je suis trop pessimiste?
Le sénateur Cowan : Je vous sens hésitante.
La sénatrice Fraser : On peut toujours essayer.
Le sénateur Carignan a aussi dit que nous aurons un plan de déploiement des nouvelles mesures de sécurité au cours des prochains mois. De qui parle-t-il quand il dit « nous »? À ma connaissance, le Comité sénatorial de la régie interne n'a reçu aucune information au sujet d'un plan aussi vaste. Grâce au travail du comité spécial, il a apporté des changements, mais, dans sa déclaration, le sénateur Carignan a dit que nous — peu importe qui il entend par ce « nous » — aurons un plan de déploiement des nouvelles mesures de sécurité au cours des prochains mois.
Ne serait-il pas merveilleux que quelqu'un informe les sénateurs de la teneur de ce plan avant qu'on nous demande de voter là-dessus? Ne serait-ce pas révolutionnaire?
Dans son discours de la semaine dernière, le sénateur Dagenais a déclaré ce qui suit :
Certains d'entre nous, qui ont des compétences en matière de sécurité, ont été consultés, et la motion du leader du gouvernement répond à nos attentes.
Le fait de confier la responsabilité opérationnelle de toute la sécurité à la GRC est vite apparu comme un élément incontournable, comme la voie qu'il fallait prendre pour atteindre un maximum d'efficacité.
« Certains d'entre nous, qui ont des compétences » — je ne sais pas de qui il s'agit, à part le sénateur Dagenais lui-même. Je n'ai pas encore vu de preuves ni entendu d'arguments qui seraient de nature à me persuader que « le fait de confier la responsabilité opérationnelle de toute la sécurité à la GRC est [...] un élément incontournable ». N'est-ce pas le moment de prouver pourquoi il s'agit d'un élément incontournable? Mais non, cela prendrait du temps. Il ne serait pas opportun ou efficace de le faire. Nous devons voter les yeux fermés. Nous ne savons pas pour quelle sorte de plan nous devons voter. Nous ne le savons pas parce que nous n'avons pas eu le temps de découvrir si cette motion, si elle avait été adoptée avant le 27 octobre, aurait pu faire la moindre différence lors des événements de cette journée tragique.
Au lieu d'avoir recours à la guillotine et de faire adopter cette motion à toute vitesse, nous aurions dû la renvoyer à un comité. Normalement, nous ne renvoyons pas de motions aux comités, mais nous pourrions le faire dans le cas d'une mesure aussi importante, afin d'examiner en détail ce sur quoi le Sénat est appelé à voter, ce qu'on lui demande d'approuver. Or, nous n'avons pas cette possibilité.
(1600)
Encore une fois, et dans un contexte encore plus important qu'à l'habitude, on nous demande de voter sur une motion dont les répercussions ne peuvent pas être mesurées parce que nous ne connaissons pas les données ou les justifications qui sous-tendent la motion. Il en est ainsi parce qu'on nous dit qu'il faut agir de façon opportune et efficace. Ce n'est pas agir efficacement que de voter sur une mesure que vous ne comprenez pas et qui pourrait avoir des répercussions importantes. Ce n'est pas de cette façon que le Parlement doit fonctionner et ce n'est certainement pas de cette façon qu'il devrait fonctionner dans le cas de questions aussi importantes que celles que la motion semble viser.
Honorables sénateurs, je vous exhorte à voter contre la fixation de délai.
L'honorable Anne C. Cools : J'ai un petit problème parce que je ne savais pas que nous n'avions que 10 minutes. Par conséquent, j'ai préparé un discours de la longueur habituelle. Si vous me le permettez, je vais en lire la plus grande partie possible durant le temps dont je dispose, puis j'utiliserai le reste à la prochaine occasion. Cette façon de faire va régler le problème.
Honorables sénateurs, je prends la parole pour m'opposer à la motion présentée par la leader adjointe du gouvernement, la sénatrice Martin, conformément à l'article 7-2 du Règlement. Sa motion de fixation de délai va limiter le débat sur la motion présentée le 17 février par le sénateur Carignan sur l'unification des forces de sécurité du Sénat et de la Chambre des communes, et elle va mettre fin à ce débat. Les motions de fixation de délai — aussi appelées motions d'attribution de temps — et les motions de clôture sont toutes insatisfaisantes et désagréables. Par principe, j'affirme que les motions qui mettent inutilement fin aux débats dans cette enceinte sont des mesures non souhaitables, inadmissibles et toujours susceptibles d'être contestées par moi. La clôture, sous toutes ses formes, ne devrait être utilisée que rarement, dans des cas extrêmes, et uniquement par nécessité. Elle ne devrait jamais être utilisée lorsque des débats viennent à peine de commencer. La clôture ne doit jamais être utilisée par caprice et seuls les ministres peuvent proposer cette mesure. Les motions d'attribution de temps doivent être présentées par un ministre. Or, il n'y en a aucun ici.
Honorables sénateurs, les procédures de clôture méritent d'être expliquées. Le chapitre 12 de la sixième édition de la Jurisprudence parlementaire de Beauchesne y est consacré. Il est intitulé « Clôture, question préalable, limites de la durée des discours et attribution de temps », et on peut lire ce qui suit au commentaire 519.(1), à la page 165 :
La clôture est une procédure grâce à laquelle, mettant fin au débat, on permet à la Chambre de se prononcer sur la question en discussion. Elle figure au Règlement depuis 1913.
N'oubliez pas que cet ouvrage concerne notre Chambre des communes. Au commentaire 518, on apprend ceci :
La règle de clôture, formulée à l'article 57 du Règlement, permet à un ministre de présenter une motion afin de mettre un terme au débat et d'obtenir une décision de la Chambre sur la question à l'étude. La question préalable peut être posée par n'importe quel député, en vertu du paragraphe 61(1), dans le but d'empêcher qu'une motion soit amendée [...] Lors de l'étude d'un projet de loi, un ministre peut, en vertu de l'article 78 du Règlement, présenter une motion afin d'attribuer un nombre de jours ou d'heures fixe aux diverses étapes du projet de loi.
Honorables sénateurs, je le répète, il n'y a aucun député ministériel ni ministre de la Couronne au Sénat. Par conséquent, personne ici n'a le pouvoir de prendre un article et d'en faire une initiative ministérielle ou une affaire du gouvernement. Seul un ministre habilité et nommé par notre souveraine peut le faire.
Si elle est adoptée, la motion de fixation de délai présentée par la sénatrice Martin, conformément à l'article 7-2 du Règlement, écourtera le débat déjà succinct sur la motion d'initiative parlementaire du sénateur Carignan et le limitera à six heures. Le sénateur Carignan est un simple sénateur. Dans le Feuilleton, cet article figurera à l'ordre du jour sous la rubrique « Motions du gouvernement ». Toutefois, la règle est claire et bien établie : seuls les ministres de la Couronne peuvent avoir recours à la clôture, et les sénateurs Carignan et Martin n'en sont pas. Ils sont, comme nous tous, de simples sénateurs qui, dans le meilleur des cas, peuvent être désignés comme partisans du gouvernement, mais ils ne font pas partie du gouvernement de Sa Majesté.
Cela a occasionné d'énormes difficultés au Sénat. J'aimerais que le premier ministre résolve ces difficultés et qu'il recommande notre digne collègue, le sénateur Carignan, au gouverneur général pour une nomination ministérielle. Ainsi, le Sénat ne serait plus forcé de fonctionner dans la zone grise légale et constitutionnelle dans laquelle il se trouve depuis de nombreuses années. Ce n'est pas bon.
Honorables sénateurs, nos textes faisant autorité prévoient que seuls les membres du gouvernement, les ministres fédéraux, puissent diriger les deux Chambres du Parlement et présenter pareilles mesures. Comme je l'ai mentionné, aucun membre du Sénat ne correspond à cette description. Aucun de nos sénateurs n'est membre du Cabinet et du gouvernement. Les sénateurs Carignan et Martin, deux bonnes personnes, ne sont pas ministres. En conséquence, aucun sénateur ici présent n'est autorisé ou accrédité par notre souveraine à présenter pareilles motions. Le Sénat se trouve dans une impasse juridique en permanence. Le Règlement du Sénat prévoit que les affaires du gouvernement aient priorité sur toute autre affaire dont le Sénat est saisi. L'article 4-13.(1) du Règlement du Sénat établit que :
Sauf disposition contraire, les affaires du gouvernement ont priorité sur toute autre affaire dont le Sénat est saisi.
Je suis probablement la seule personne ici — à part, je pense, le sénateur Tkachuk — à avoir voté sur ce règlement en 1991.
Cette règle concernant la priorité des affaires du gouvernement n'a été adoptée qu'en 1991. À l'époque, et pendant de nombreuses décennies auparavant, nos régime et pratique constitutionnels supposaient, pour des raisons constitutionnelles et parlementaires valables, que le leader du gouvernement au Sénat devait être un ministre fédéral.
Honorables sénateurs, je vais passer en revue les conditions permettant aux ministres de présenter des motions de clôture. Josef Redlich a écrit sur ce type de motion. Cette façon de faire a été instaurée en 1881 par le premier ministre britannique de l'époque, William Gladstone, pour répondre à une obstruction massive sans précédent de la part des Irlandais à la Chambre des communes concernant le projet de loi de coercition. Je vais citer l'ouvrage en trois volumes publié par M. Redlich en 1903, The Procedure of the House of Commons. Dans le tome 1, au chapitre 3, qui porte sur la procédure d'urgence et l'avènement de la clôture, de 1881 à 1888, M. Redlich écrit ce qui suit, à la page 164 :
La résolution présentée par M. Gladstone dans le but d'empêcher toute obstruction supplémentaire de la part des Irlandais dans le débat sur le projet de loi de coercition est un des documents les plus remarquables de l'histoire parlementaire anglaise. Son contenu peut être caractérisé par un mot. Il proclamait un état de siège parlementaire et introduisait une dictature à la Chambre des communes. La nouvelle règle, surnommée la règle d'urgence, se lit comme suit :
Que, si le ministre de la Couronne, après en avoir donné préavis, présente une motion tendant à déclarer qu'il y a urgence, que le projet de loi, la motion ou toute autre question dont la Chambre est saisie doit être adopté en toute urgence et qu'il est dans l'intérêt public de procéder sans délai [...]
Le recours à une motion de fixation de délai présuppose le respect de trois conditions, dont aucune ne s'applique en l'occurrence. Je répète : la motion du sénateur Carignan ne respecte pas les trois conditions essentielles au recours à la procédure de clôture. Seul un ministre de la Couronne peut invoquer la clôture, dans le cas d'une mesure ou d'un projet de loi d'initiative ministérielle, et strictement dans le but de répondre à un besoin urgent allant dans le sens de l'intérêt public. Les ouvrages de référence sont unanimes au sujet de ces trois conditions, en particulier celle qui exige que la démarche émane d'un ministre.
Honorables sénateurs, la motion du sénateur Carignan ne correspond pas non plus au processus de clôture et de fixation de délai énoncé à l'article 4-13(1) du Règlement, qui accorde la priorité aux initiatives ministérielles par rapport à toute autre affaire du Sénat. Nous avons adopté cet article en 1991 en partant du principe que le leader du gouvernement au Sénat ferait toujours partie du gouvernement. J'ai participé à tous les votes à ce sujet.
Bref, un sénateur devait toujours siéger au conseil des ministres. Or, le sénateur Carignan, un homme par ailleurs charmant, n'est que simple sénateur, pas ministre. Par conséquent, Sa Majesté ne lui a pas conféré le pouvoir de présenter une mesure d'initiative ministérielle dans cette enceinte.
Alpheus Todd explique que si, dans le système parlementaire, les ministres de la Couronne siègent aux deux Chambres, c'est parce qu'ils sont l'incarnation du monarque et de l'autorité du souverain. Le rôle législatif de la reine, la souveraine dans les deux Chambres du Parlement, est exercé par les ministres de la Couronne dans les deux Chambres du Parlement. À la page 2 du premier volume de son ouvrage publié en 1869 intitulé Le gouvernement parlementaire en Angleterre, l'auteur dit ceci :
Le gouvernement parlementaire se distingue par la nécessité pour les pouvoirs appartenant à la Couronne d'être exercés par les ministres, qui sont tenus de rendre compte de leur utilisation; il est attendu qu'ils soient membres de l'une des deux Chambres du Parlement, dont ils doivent être en mesure de guider les délibérations, et il est considéré qu'ils occupent leur charge seulement s'ils possèdent la confiance du Parlement, surtout de la Chambre des communes.
Le fait que la fonction de leader du gouvernement au Sénat doit être exercée par un ministre de la Couronne est une caractéristique du Parlement et de tout gouvernement responsable. À la page 316 du volume II du même ouvrage, sous la rubrique « Droits législatifs de la Couronne », M. Todd dit ceci :
Depuis l'établissement du gouvernement parlementaire, l'exercice des prérogatives incontestées de la Couronne en tant qu'éléments essentiels de la législature ne se fait plus par l'intervention directe et personnelle du souverain. Ses pouvoirs législatifs sont maintenant exercés dans les deux Chambres, mais surtout à la Chambre des communes, par le truchement des ministres compétents qui, se prévalant de leur influence en leur qualité de parlementaires, servent de porte-parole et de représentants de la composante monarchique de notre Constitution au Parlement. Depuis l'adoption dans notre système politique de l'usage constitutionnel voulant que le souverain s'abstienne d'exercer une autorité directe et externe sur les Chambres du Parlement en matières législatives, l'appareil moderne permettant la conduite des travaux parlementaires au nom de la Couronne s'est mis en branle.
Honorables sénateurs, j'en viens maintenant à l'essence de la question, soit qu'il faudrait que le Sénat obtienne le consentement royal pour débattre de la motion du sénateur Carignan tendant à unir le personnel de protection et de défense des Chambres du Parlement. Au Sénat, le consentement royal peut seulement être signifié par un ministre de la Couronne.
(1610)
L'absence d'un ministre au Sénat est un problème constant. Le consentement royal est requis ici pour permettre un débat sur tout ce qui touche aux prérogatives de Sa Majesté, à titre de troisième élément constitutif et chef du Parlement.
Le gouverneur général, à titre de commandant en chef de toutes nos forces terrestres et maritimes et de source de pouvoir pour tous les agents de la paix et toutes les forces de police, joue un rôle important dans la défense du Parlement de Sa Majesté et de ses environs. Il en est de même de l'homme de la reine et du gouverneur général, c'est-à-dire de l'huissier du bâton noir du Sénat, qui a été désigné titulaire d'une charge par lettres patentes et qui est toujours un expert dans l'art de la défense et de la protection.
La défense et la protection du Canada sont incarnées dans une ancienne expression de la common law, pacem domini regis, paix du seigneur roi ou plutôt paix de notre souveraine, la reine Elizabeth II. Notre souveraine et chef du Parlement est décrite par l'expression caput, principium et finis, qui signifie la tête, le début et la fin. Nous devons savoir que les privilèges, ou lex privilegia, représentent les privilèges de la reine qui sont délégués à certains titulaires de charge, comme les juges. Nos privilèges découlent de la prérogative royale, ou lex prerogativa. Comme la recommandation royale, le consentement royal est requis avant qu'un ministre puisse proposer une mesure. Au Sénat, cependant, la mesure doit être signifiée par un ministre.
Honorables sénateurs, au sujet du consentement royal, le commentaire 727.(1) de la Jurisprudence parlementaire de Beauchesne, sixième édition, dit ceci :
727.(1) Le consentement de la Couronne est indispensable chaque fois qu'il s'agit de questions mettant en cause ses prérogatives [...] Il peut être présenté sous forme de message spécial, mais aussi [...] sous forme de déclaration de vive voix d'un ministre [...] À défaut de ce consentement, il ne reste plus au président qu'à retirer la mesure.
Quant à la signification antérieure du consentement royal et de la recommandation royale, Alpheus Todd, dans son volume II déjà cité, a écrit à la page 317 :
Dès lors, les règles du Parlement — qui interdisent le dépôt d'un projet de loi affectant une partie quelconque des recettes publiques, sauf sur recommandation de la Couronne par l'entremise d'un ministre responsable, et qui imposent d'obtenir le consentement de la Couronne avant que l'une des deux Chambres ne puisse consentir à un projet de loi touchant la prérogative royale — de même que le droit reconnu des ministres de régler la conduite des affaires publiques, tant qu'ils conservent la confiance de la Chambre des communes, garantissent les droits du souverain, à titre de partie constitutive du corps législatif, d'une façon aussi indéniable, sinon plus efficace, que l'opposition directe d'un veto personnel. Selon lord Derby, « le pouvoir de la Couronne d'Angleterre dépend non pas du veto que Sa Majesté peut opposer aux lois du Parlement après leur adoption, mais plutôt de ses droits et de l'influence qu'elle exerce sur ses ministres et, par leur entremise, sur les deux Chambres du Parlement, influence qui lui permet de porter un jugement sur les mesures législatives avant qu'elles ne soient soumises au Parlement, et non après qu'elles ont reçu son aval. »
Son Honneur le Président intérimaire : Sénatrice Cools, les 10 minutes sont malheureusement écoulées.
La sénatrice Cools : Cela inquiéterait profondément le sénateur Carignan.
Son Honneur le Président intérimaire : Le Règlement établit clairement dans ce cas que le temps alloué n'est que de 10 minutes.
La sénatrice Cools : Toute la motion est injuste.
L'honorable Joseph A. Day : Honorables sénateurs, je n'avais pas l'intention de prendre la parole à ce sujet. J'aurais préféré laisser nos dirigeants exprimer notre point de vue, mais j'ai fait la même chose dans le cas d'une autre motion.
J'ai dit que j'avais beaucoup de questions qui tournaient dans ma tête, tout comme j'en avais lorsque j'ai vu la motion invitant le vérificateur général au Sénat. Je n'avais pas pris la parole alors. J'aurais dû le faire car j'aurais au moins pu faire officiellement état de quelques-unes des questions que je me posais. À titre de président du Comité des finances, j'avais des relations assez particulières avec le vérificateur général. Je savais que nous l'avions invité à examiner nos systèmes deux ans avant de l'inviter à nouveau. Je savais que nous avions aussi des vérificateurs externes. Toutes ces questions se sont posées. Aujourd'hui, n'ayant pas abordé collectivement cette motion comme nous aurions dû le faire, nous n'avons pas défini la façon dont le vérificateur général devrait travailler dans cet environnement très différent de celui dont il est habituellement responsable.
Nous souffrons tous du fait que nous n'étions pas intervenus alors. Nous-mêmes et les membres de notre personnel avons consacré d'innombrables heures — que nous aurions pu, comme sénateurs, consacrer au service de la population canadienne — à cette activité dirigée par le vérificateur général, qui définit ce que nous devons faire. C'est parce que nous avons accepté d'être précipités dans une situation qu'on prenait pour une panacée, en nous débarrassant du problème, en évitant d'en discuter davantage et en en laissant le soin au vérificateur général.
Ne sommes-nous pas dans la même situation aujourd'hui? En acceptant la clôture, ne faisons-nous pas exactement la même chose? Le sénateur Joyal vient de faire une analyse juridique extrêmement intéressante, disant que nous devrions tous disposer de quelque temps pour y penser. Il a peut-être raison ou il a peut-être tort, mais Dieu merci, quelqu'un a dit publiquement ce qu'il fallait dire.
Je crains que cette motion ne soit pas le bon moyen de régler une situation de ce genre. Nous voulons faire intervenir la GRC, mais savons-nous si c'est l'organisme le plus indiqué pour assumer cette fonction? Devons-nous modifier la Loi sur la Gendarmerie royale du Canada, puisque la GRC ne remplira pas une fonction fédérale de police en s'occupant de la sécurité sur la Colline du Parlement? Devons-nous aussi modifier la Loi sur le Parlement du Canada? Si nous le faisons, ne devrions-nous pas, comme l'a dit tout à l'heure le sénateur Campbell, aller de l'avant et tenir des audiences de comité comme nous savons si bien le faire?
Faisons appel aux experts qui peuvent nous aider en ce qui concerne la division des pouvoirs au Parlement, qui connaissent la procédure parlementaire et sont en mesure de nous conseiller sur la nature des modifications à apporter s'il y a lieu. Faisons appel aux experts des questions policières qui peuvent nous aider à déterminer si la GRC est l'organisme le plus indiqué alors qu'elle a déjà beaucoup d'autres défis, notamment en matière de financement et d'adaptation au XXIe siècle. La GRC a d'énormes problèmes de gouvernance, comme le savent ceux d'entre nous qui siègent au sein de comités qui étudient sa situation. Est-ce le bon moment pour lui donner un autre genre d'activité qui ne cadre pas bien avec ses fonctions habituelles? Sommes-nous juste en train d'essayer d'enterrer un problème?
Pourquoi, après un ou deux discours, disons-nous qu'il faut absolument en finir avec cette affaire? Qu'arrivera-t-il si nous n'adoptons pas cette motion d'ici vendredi prochain ou le vendredi suivant? Quel est le délai? Essayons-nous de suivre la Chambre des communes sur la voie de la clôture? Devons-nous faire tomber le couperet pour faire la même chose, afin que le premier ministre puisse dire : « Mesdames et messieurs, nous avons ici deux motions. Déclenchons maintenant des élections fondées sur ces deux motions. Je me suis déjà occupé de tout. » Ce n'est pas une responsabilité que nous avons à titre de parlementaires au Sénat.
Nous acceptons les privilèges associés au statut de sénateur et nous devons en accepter les responsabilités. L'immense responsabilité qui est la nôtre est de préserver cette institution, et de préserver ce qui a été construit depuis près de 150 ans. Nous avons dû faire des mises au point, mais cela a bien marché. Depuis le moment de notre arrivée au Sénat jusqu'au moment de notre départ, nous entreprenons de bâtir sur ces assises, de protéger et d'améliorer l'institution. Y a-t-il clôture sur une motion qui n'a peut-être pas lieu d'être, qui ne nous autorise pas à étudier telle ou telle question, qui ne nous autorise pas à débattre, qui exclut un quelconque examen approfondi et qui nous empêche d'assumer les responsabilités qui sont les nôtres de protéger cette institution dans un domaine aussi fondamental que la sécurité?
Je dis non.
Son Honneur le Président intérimaire : Puisqu'aucun autre sénateur ne veut participer au débat, est-ce que la Chambre est prête à se prononcer?
Des voix : Le vote!
Son Honneur le Président intérimaire : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?
Des voix : Oui.
Des voix : Non.
Son Honneur le Président intérimaire : Que les sénateurs qui sont en faveur de la motion veuillent bien dire oui.
Des voix : Oui.
Son Honneur le Président intérimaire : Que les sénateurs qui sont contre la motion veuillent bien dire non.
Des voix : Non.
Son Honneur le Président intérimaire : À mon avis, les oui l'emportent.
Et deux honorables sénateurs s'étant levés :
Son Honneur le Président intérimaire : Je vois que deux honorables sénateurs se lèvent.
L'honorable Elizabeth (Beth) Marshall : Trente minutes?
L'honorable Jim Munson : Trente minutes.
Son Honneur le Président intérimaire : Honorables sénateurs, nous sommes d'accord pour une sonnerie de 30 minutes. Nous mettrons donc la motion aux voix à 16 h 49.
Convoquez les sénateurs.
(1650)
La motion, mise aux voix, est adoptée par le vote suivant :
POUR
LES HONORABLES SÉNATEURS
Batters | McIntyre |
Bellemare | Mockler |
Beyak | Nancy Ruth |
Black | Neufeld |
Carignan | Ngo |
Dagenais | Ogilvie |
Doyle | Patterson |
Enverga | Plett |
Gerstein | Poirier |
Greene | Raine |
Housakos | Rivard |
Johnson | Runciman |
Lang | Seidman |
LeBreton | Smith (Saurel) |
MacDonald | Stewart Olsen |
Maltais | Unger |
Manning | Verner |
Marshall | Wallace |
Martin | Wells |
McInnis | White—40 |
CONTRE
LES HONORABLES SÉNATEURS
Baker | Hubley |
Campbell | Joyal |
Cools | Lovelace Nicholas |
Cordy | Massicotte |
Cowan | McCoy |
Day | Mitchell |
Dyck | Moore |
Eggleton | Munson |
Fraser | Ringuette |
Furey | Tardif—21 |
Hervieux-Payette |
ABSTENTIONS
LES HONORABLES SÉNATEURS
Aucune. |
Motion tendant à reconnaître la nécessité de prévoir une sécurité entièrement intégrée dans toute la cité parlementaire et sur le terrain de la Colline du Parlement, et d'inviter la Gendarmerie royale du Canada à diriger la sécurité opérationnelle—Rejet de la motion d'amendement et adoption de la motion
L'ordre du jour appelle :
Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Carignan, C.P., appuyée par l'honorable sénatrice Marshall,
Que le Sénat, compte tenu de l'attaque terroriste survenue le 22 octobre 2014, reconnaisse qu'une sécurité entièrement intégrée est nécessaire dans toute la cité parlementaire et sur le terrain de la colline parlementaire, comme l'a recommandé le vérificateur général dans son rapport de 2012 et comme elle existe pour d'autres parlements analogues; et qu'il demande, sans délai, au Président, en coordination avec son homologue de la Chambre des communes, d'inviter la Gendarmerie royale du Canada à diriger la sécurité opérationnelle partout à l'intérieur de la cité parlementaire et sur le terrain de la colline parlementaire, tout en respectant les privilèges, immunités et pouvoirs de chaque Chambre et en veillant à ce que le personnel chargé actuellement de la sécurité parlementaire et respecté, conserve son emploi;
Et sur la motion d'amendement de l'honorable sénateur Cowan, appuyée par l'honorable sénatrice Fraser, que la motion ne soit pas adoptée maintenant mais qu'elle soit modifiée par l'insertion avant les mots « tout en respectant les privilèges, immunités et pouvoirs des Chambres » des mots « en se rapportant aux Présidents des deux Chambres », pour que cette partie de la motion se lise comme suit : « d'inviter la Gendarmerie royale du Canada à diriger la sécurité opérationnelle partout à l'intérieur de la cité parlementaire et sur le terrain de la colline parlementaire, en se rapportant aux Présidents des deux Chambres, tout en respectant les privilèges, immunités et pouvoirs des Chambres... ».
L'honorable Elaine McCoy : Honorables sénateurs, je vous remercie. J'exhorte mes collègues à adopter la motion dans sa version modifiée. Même si l'amendement ne clarifie pas totalement les choses, il donne une meilleure indication que le Sénat va continuer à assumer l'entière responsabilité de sa sécurité, tout comme la Chambre des communes.
Le sénateur Joyal nous a expliqué de façon détaillée nos responsabilités d'un point de vue historique, législatif et constitutionnel au Canada, et nous devrions nous engager à assumer nos responsabilités de la façon prescrite.
Cela dit, je veux aussi traiter de la motion comme telle, c'est-à-dire du fait d'inviter la GRC à assumer le contrôle de la sécurité à l'intérieur de la cité parlementaire et sur la Colline du Parlement.
L'autre jour, le leader du gouvernement au Sénat nous a demandé d'imaginer ce qui aurait pu se produire si la GRC avait été responsable de la sécurité lorsque des membres de Greenpeace ont descendu en rappel le mur d'un édifice du Parlement. Il a laissé entendre qu'un tel incident ne se serait jamais produit.
Or, que s'est-il passé depuis cet événement qui, comme vous le savez, était un coup publicitaire? Quelqu'un qui avait la sécurité à cœur a dépensé des centaines de milliers de dollars à l'érection de nouvelles clôtures autour de la Colline du Parlement, à l'installation de bornes afin qu'aucun véhicule ne puisse entrer de façon non contrôlée, et à la mise en place de trois séries de barricades telles que je n'en ai jamais vu ailleurs que dans un film de James Bond où l'on montrait un contrôle à la frontière d'un pays situé derrière le rideau de fer.
(1700)
Nous devons maintenant franchir cette barricade. Même lorsque je dis : « C'est la sénatrice McCoy qui s'amène », l'agent de la GRC insiste pour que j'ouvre le coffre de l'auto. Il pense peut-être trouver un petit guerrier ninja caché à l'intérieur. Nous arrivons ensuite sur la Colline et nous voyons au moins deux fois sinon trois fois plus de véhicules de la GRC qui sont stationnés ou qui patrouillent les lieux. En outre, les portes des édifices sont verrouillées.
Tout cela en réaction à un coup publicitaire, à une descente en rappel sur le côté de l'édifice de l'Ouest. Toutes ces mesures relèvent de la GRC. Et que s'est-il passé? La première vraie menace à la sécurité des gens est survenue lorsqu'un tireur s'est amené sur la Colline, a pénétré dans l'édifice du Centre et a tiré des coups de feu. Et qui l'a neutralisé? C'est un membre de notre propre service de sécurité, à savoir le sergent d'armes de la Chambre des communes.
On m'a dit que l'homme armé d'une carabine était à portée de main de la GRC. Cet individu a couru juste à côté des agents de la GRC. Ils l'ont regardé bouche bée, sans réagir dans un premier temps, avant de finalement se lancer à sa poursuite dans l'édifice du Centre, où les agents de sécurité du Parlement s'occupaient déjà du problème.
Que dire des communications? Elles étaient confuses et erronées. Nous avons longtemps cru qu'il y avait deux individus armés. C'était le chaos.
Un tel précédent n'est pas susceptible d'inspirer la confiance relativement à la sécurité dans la cité parlementaire et sur la Colline du Parlement. Si je pensais qu'il s'agit d'une bévue isolée de la part de la GRC, j'aurais peut-être plus confiance en cet organisme, mais la situation dure depuis 10 ans. Il y a 10 ans, à Mayerthorpe, en Alberta, des agents de la GRC ont perdu la vie à cause de procédures inadéquates face à un risque potentiellement mortel. Les agents avaient suivi les procédures d'intervention en vigueur à l'époque, mais celles-ci étaient inadéquates.
On serait porté à croire que, étant donné que cet événement s'est produit il y a 10 ans, la GRC en aurait tiré des leçons. Il y a aussi la façon dont ce corps policier a réagi à la menace à la sécurité à l'aéroport de Vancouver. Les agents ont mal interprété la situation. Ils se sont trompés sur toute la ligne à l'égard de l'immigrant polonais. Ils l'ont tué en lui administrant des décharges électriques au moyen d'un pistolet Taser. M. Dziekanski est mort à son arrivée au Canada. Qui plus est, la semaine dernière un des policiers en cause a finalement été reconnu coupable d'avoir menti sous serment au sujet de cet incident. Quel beau tableau.
Il s'agit encore de la GRC, en laquelle nous avions tellement confiance dans le passé, qui n'a pas su réagir adéquatement face à une situation donnée, et qui a même menti relativement aux faits.
Plus récemment, il y a eu l'incident à Moncton, au Nouveau-Brunswick. La GRC a répondu à un appel faisant état d'un tireur violent. Les agents étaient des écervelés. Les conclusions d'un examen indépendant de leur comportement ont été publiées récemment. La situation était chaotique pour deux grandes raisons. La première est que la connaissance du matériel et la facilité d'accès à celui-ci laissaient à désirer, tandis que l'autre raison touchait aux « communications ». Les agents ne savaient pas quoi faire. Il n'y avait pas de chef. Les agents ne se sont pas dit où ils étaient respectivement. C'était des amateurs, et un ou plusieurs d'entre eux ont perdu la vie.
On parle de sécurité opérationnelle. Ce sont eux les experts? La GRC possède peut-être bien des compétences dans d'autres domaines, mais pas dans celui-là.
Qui plus est, ce corps policier n'a aucune connaissance du fonctionnement interne du Sénat ni, sans doute, de celui de la Chambre des communes, mais je ne puis aborder cet aspect de la question parce que c'est le Sénat que je connais. Je ne connais pas la Chambre des communes. Je suis une sénatrice et je peux vous dire que la GRC n'a pas une connaissance adéquate du Sénat.
Par conséquent, il n'est pas dans notre intérêt de céder ou de donner notre pouvoir, ou d'y renoncer, et de le confier à un organisme qui ne connaît pas nos procédures, nos privilèges et nos responsabilités, et qui, en outre, n'a pas fait preuve de la compétence voulue sur le terrain.
Je m'attends à tout le moins à ce que le Sénat ait le courage et la sagesse, en tant que conseil de sages, d'examiner les faits et de procéder à un second examen objectif.
Le sénateur White vient du milieu policier. Il est indubitablement plus attaché à ses collègues des forces de l'ordre que bon nombre d'entre nous, et il peut sympathiser avec eux. Je ne dis pas qu'il est facile de réagir à une crise. Cependant, ce n'est pas le type de surveillance et d'analyse de la situation dont nous avons besoin pour déterminer la meilleure voie à suivre.
Je suggère que nous acceptions au moins l'amendement à la motion qui est à l'étude, que nous renvoyions la motion à nos collègues de la Chambre des communes et que nous réfléchissions plus mûrement à la façon dont nous devons répondre à ces problèmes qui nous affligent tous en ce XXIe siècle.
L'honorable Carolyn Stewart Olsen : Je soulève une question de privilège, si c'est acceptable.
Son Honneur le Président : Dites-nous ce qui vous préoccupe.
Le sénatrice Stewart Olsen : Je tiens à dire que j'ai été extrêmement mal à l'aise, et je dirais même dégoûtée, d'entendre la sénatrice remettre en question la façon dont la GRC du Nouveau-Brunswick a réagi à l'attaque dont ont été victimes ses agents.
Des voix : Bravo!
La sénatrice Stewart Olsen : Je demande à la sénatrice de retirer ses accusations. Je comprends peut-être où vous voulez en venir, et je sais que vous voulez conserver votre privilège, mais cela ne devrait pas se faire au détriment de la réputation de ces agents qui ont été tués dans l'exercice de leurs fonctions.
Des voix : Bravo!
(1710)
La sénatrice McCoy : Votre Honneur, si je puis répondre, mes observations sont puisées dans un rapport indépendant sur la conduite de la GRC au Nouveau-Brunswick, dont je fournirai volontiers une copie à la sénatrice du Nouveau-Brunswick pour qu'elle puisse aussi constater les critiques formulées à l'endroit de la GRC à la suite de ces événements.
[Français]
L'honorable Pierrette Ringuette : Honorables sénateurs, j'aimerais réitérer, pour tous nos collègues ici, le fait qu'une motion n'est bonne que pour la durée du Parlement. Étant donné qu'il y a une loi qui stipule que le Parlement sera dissout et que nous aurons des élections qui se tiendront le 19 octobre, soit dans quelques mois, cette motion tombera à l'eau et n'aura plus de teneur.
A priori, si l'intention était réellement d'inviter les gens de la GRC à diriger la sécurité opérationnelle, il fallait, premièrement, modifier la Loi sur le Parlement du Canada et, deuxièmement, modifier le Règlement du Sénat.
De mon point de vue, cette motion est une perte de temps. Le fait d'entamer des négociations, avec l'énergie que cela requiert de tous les partis, pour arriver en septembre et constater que cette motion n'est plus valide, montre une méconnaissance assez grande de l'institution du Sénat.
Cela dit, j'aimerais consigner au dossier des commentaires exprimés par l'un de nos collègues pour lequel j'ai énormément de respect, le sénateur White. C'est un article tiré du Hill Times, qui date du 16 février. Voici ce que dit notre collègue, le sénateur White, et je cite :
[Traduction]
Interrogé au sujet de la préoccupation soulevée relativement au privilège parlementaire, le sénateur White dit qu'il s'agit selon lui d'une saine discussion qui soulève des questions pour lesquelles il faudra trouver des solutions.
Je ferai remarquer que nous n'avons pas réglé ces questions. Puis, l'article dit :
« J'ai été commandant divisionnaire à la GRC; je relevais directement du commissaire de la GRC », explique le sénateur et ancien chef de police de la Ville d'Ottawa, M. White.
Le sénateur White ajoute ceci :
La préoccupation, c'est que, constitutionnellement, la sécurité et les lieux de la Colline du Parlement sont la responsabilité des deux Présidents. Si le commandant divisionnaire qui dirige le maintien de l'ordre et la sécurité relève du commissaire de la GRC, qui elle relève du ministre, alors il n'y a plus de place pour les Présidents. La question est donc : que fait-on des responsabilités des Présidents?
Comme l'a dit notre honorable collègue, beaucoup de questions ont été soulevées. Or, elles demeurent sans réponse. Il est entendu que la GRC relève du commissaire, qui relève du ministre. C'est la loi; la Loi sur la GRC. Or, la présente motion ne modifie pas la Loi sur la GRC.
Notre collègue dit ensuite que les lieux de la Colline du Parlement sont la responsabilité des deux Présidents. Le sénateur Joyal a indiqué tout à l'heure que cela n'est pas tout à fait exact. En réalité, le Président de la Chambre des communes a certaines responsabilités, tandis que Votre Honneur avez un ensemble de responsabilités entièrement liées à notre institution.
[Français]
Compte tenu de ces réalités et du fait que cette motion deviendra nulle en septembre, il faut se poser, en tant qu'institution à qui il incombe de porter un second regard objectif non seulement sur la législation, mais aussi sur d'autres dossiers, les questions suivantes. Premièrement, pourquoi y a-t-il urgence en la matière, alors que les régies internes des deux Chambres s'étaient entendues pour mandater un groupe de personnes qui devaient se rapporter au Président de la Chambre des communes et à celui du Sénat, qui est aussi président du Comité de la régie interne du Sénat? Ce sont là les règles.
A priori, il y a un processus qu'il faut comprendre. Or, nous sommes ici à débattre une motion qui, dans quelques mois, ne sera plus légale. Le Sénat et la Chambre des communes étaient en voie de cerner le comment et le pourquoi de la question.
J'aimerais aussi revenir à certains des termes de la motion qui précisent, à la fin, « en veillant à ce que le personnel chargé actuellement de la sécurité parlementaire et respecté, conserve son emploi ». On parle de « son emploi » auprès de qui? Ces gens resteront-ils des employés du Sénat? Deviendront-ils des employés de la GRC, avec toute la formation qui s'ensuit à Regina, et aux mêmes échelles salariales? Dans l'hypothèse où ce personnel change tout à coup d'employeur, comment conservera-t-il les avantages qu'il a accumulés?
La question est importante. Comme le sénateur White l'a bien indiqué dans ses commentaires au Hill Times, il n'y a pas de réponse. Or, on nous pousse à accepter une motion pour démarrer un processus qui demandera énormément d'énergie de la part de tous et qui nécessitera la modification d'au moins deux lois, pour en arriver, en septembre, à la dissolution du Parlement et à rien en retour.
(1720)
Cette motion, et c'est ma conviction, a été introduite uniquement dans la perspective d'un rappel continu à la population du fait que nous sommes tous en danger, ainsi que le Parlement. Dans cette optique, dans cette ligne de communication constante, il faut continuer d'employer le mot « terroriste », et le faire de toutes les façons possibles. C'est ce que nous avons devant nous, et, comme les arguments que je viens d'exposer le montrent, c'est la stratégie déployée dans cette motion qui, selon moi, n'a pas de fondement.
Si on était sérieux en ce qui concerne l'objectif proposé, on aurait présenté deux projets de loi : un changement à la Loi sur le Parlement, et des changements à la Loi sur la GRC. Surtout, honorables sénateurs, on aurait respecté le processus dans lequel les deux Chambres s'étaient engagées et qui impliquait des personnes qui ont une expertise sur le plan de la sécurité.
Tout cela pour vous dire, également, que je suis inquiète de ce que peut représenter un tel changement en ce qui concerne le personnel, nos agents de sécurité du Sénat. De notre côté, nous examinons ces motions sur le plan technique, sur le plan des procédures, et cetera, mais les gens de notre personnel voient cette motion d'un œil tout à fait différent. Elle leur apporte des inquiétudes qui n'ont pas lieu d'être, surtout étant donné le fait que la teneur de cette motion, en septembre, au déclenchement des élections, ne sera plus valide.
Ce sont là, essentiellement, mes arguments. Je crois, pour ma part, qu'on ne devrait même pas consacrer plus de temps à cette motion. Cependant, étant donné qu'il faut respecter les procédures en place, je m'y plie mais, en toute honnêteté et en toute logique, je n'y crois pas.
[Traduction]
La sénatrice McCoy : J'invoque le Règlement.
Son Honneur le Président : La sénatrice McCoy invoque le Règlement.
La sénatrice McCoy : Nous accordons une grande importance au rôle du Président du Sénat, un rôle distinct et très différent de celui du Président de la Chambre des communes. Votre rôle consiste à présider les débats et à veiller à ce que la procédure soit respectée. J'ai remarqué, en écoutant l'interprétation simultanée des observations valables de ma collègue, la sénatrice Ringuette, qu'elle vous appelle « monsieur le Président » et que l'interprète traduit cette expression par « Mr. Speaker » en anglais. Ce n'est pas le bon terme.
Je vous demande, au nom de tous les sénateurs, de demander au service de traduction, aux interprètes, de traduire « le Président » par « Your Honour » en anglais à l'avenir.
Merci beaucoup.
Son Honneur le Président : Le mot « Speaker » est tout à fait acceptable en anglais, tout comme « monsieur le Président » en français. Le mot « Speaker » est acceptable en anglais.
La sénatrice McCoy : Mais cela porte à confusion.
Son Honneur le Président : Vous pouvez utiliser « Votre Honneur », mais j'accepte de me faire appeler « monsieur le Président » en français et « Mr. Speaker » ou « Your Honour » en anglais.
C'est toujours la sénatrice Ringuette qui a la parole. La sénatrice Cools a une question pour la sénatrice Ringuette.
L'honorable Anne C. Cools : Sénatrice Ringuette, parce qu'elle utilise constamment le mot « Parlement » pour désigner les deux Chambres, la motion refuse catégoriquement de reconnaître qu'il y a trois parties constituantes au Parlement, comme vous le savez, soit le Sénat, la Chambre des communes et, bien sûr, la reine.
Je me demande si quelqu'un a songé au fait que Sa Majesté est une partie constituante du Parlement et que, comme nous le savons, elle est aussi le commandant en chef des forces armées du Canada. Ainsi, lorsque Sa Majesté vient au Canada, ce sont les Forces armées canadiennes qui s'occupent d'elle et qui assurent sa sécurité. En fait, je pense qu'un aéronef des Forces canadiennes se rend en Angleterre pour aller chercher Sa Majesté et l'amener en terre canadienne.
Lorsque Sa Majesté ou un autre membre de la famille royale vient en visite officielle au Canada, la Colline du Parlement fourmille de représentants militaires. Dans le cas d'une telle visite, si la motion est adoptée, qui sera responsable de la sécurité sur la Colline et de notre sécurité personnelle? Est-ce que ce sera les forces armées ou la GRC?
La sénatrice Ringuette : C'est une excellente question. Je crois que la reine est le commandant honoraire...
La sénatrice Cools : Elle n'est pas le commandant honoraire; elle est le vrai commandant.
La sénatrice Ringuette : Elle est le vrai commandant des Forces armées canadiennes, mais nous serions peut-être surpris de voir les services de sécurité britanniques assumer la responsabilité de sa protection durant la visite de Sa Majesté.
La sénatrice Cools : Ce n'est pas possible. Il existe des règles précises à cet égard. Je parle du rapport de force entre les trois parties constituantes du Parlement. De par sa nature, l'institution qu'est le Parlement englobe trois entités distinctes qui fonctionnent de façon indépendante et qui ont chacune leur propre réglementation. C'est cet aspect qui est occulté, à savoir cette indépendance distincte sur le plan opérationnel.
Son Honneur le Président : Avant de céder la parole au prochain intervenant, je veux simplement clarifier le point soulevé par la sénatrice McCoy. L'article 34 de la Loi constitutionnelle de 1867 se lit comme suit en anglais :
The Governor General may from Time to Time, by Instrument under the Great Seal of Canada, appoint a Senator to be Speaker of the Senate, and may remove him and appoint another in his Stead.
Donc, le mot « Speaker » est tout à fait acceptable. Vous auriez pu soulever la question en français. Le terme français correspondant à « Speaker » dans la loi constitutionnelle est « orateur », un mot qui est moins usité. Maintenant, nous utilisons les mots « monsieur le Président » ou « madame la Présidente », ce qui veut dire que le mot « Speaker » est tout à fait acceptable.
Nous poursuivons le débat. Le sénateur Campbell a la parole.
L'honorable Larry W. Campbell : Merci, honorables sénateurs. J'estime que je dois revenir sur les observations de l'honorable sénatrice de l'Alberta. Je lui voue un grand respect et j'aime beaucoup ses idées. Cependant, je dois dire que, avec l'avantage du recul, on ne peut pas se tromper et qu'il est facile de parler.
Ce n'est qu'en surveillant la GRC que nous pouvons en savoir plus sur les difficultés auxquelles cette organisation s'est heurtée au fil des ans et sur le fait qu'elle est le plus important corps policier au pays, celui qui jouit de la plus grande visibilité et qui participe à presque tous les aspects du système de justice que nous connaissons. Je crois qu'il faut bien comprendre que les activités de cet organisme sont scrutées à la loupe.
Cependant, il n'est pas question ici de la GRC. Personne ici ne soutient que la GRC ne pourrait pas mettre en place un service de sécurité, qu'elle ne pourrait pas gérer une grande organisation responsable de la sécurité, sauf peut-être la sénatrice McCoy. La réalité, c'est que ces gens sont qualifiés.
Depuis combien de temps l'étude de cette question traîne-t-elle sur la Colline du Parlement? Je suis ici depuis neuf ans. Bien avant cela, on a déjà tenté de conclure une entente afin de créer une force de sécurité conjointe sur la Colline.
(1730)
Personne ne peut nier que l'existence de deux systèmes de sécurité distincts dans un seul immeuble soit anachronique et même, à dire vrai, dangereuse. Nous étions d'accord là-dessus, mais nous n'arrivions pas à nous entendre pour que le Sénat ou l'autre endroit se réunissent et définissent les modalités. Nous avons simplement refusé de nous attaquer au problème. On serait porté à penser que, lorsqu'on a des gens qui rampent sur le toit de l'immeuble, même s'il s'agissait d'une manifestation pacifique et même si personne n'est en danger, on n'oubliera pas cet incident. Assurément, il faut admettre que ceux qui peuvent nous vouloir du mal prennent note de l'incident et remarquent les lacunes de la sécurité.
Nous avons été contraints d'agir. Il semblerait que j'ai trop parlé de cette question, mais nous avons fait ce que nous étions censés faire. Nous avons mis sur pied un sous-comité qui relevait des deux Chambres. Nous nous sommes réunis, nous avons pris des décisions et apporté des modifications. En toute honnêteté, j'ignore si, au bout du compte, nous serions tout de même arrivés à la conclusion que la Gendarmerie royale du Canada devait être chargée de la sécurité sur la Colline. Aucune décision n'a été prise sur la direction des services de sécurité, mais nous avons décidé que, peu importe la forme que cela prendrait, nous devions avoir une sécurité complète et totale sur la Colline.
Qu'adviendra-t-il de l'actuel personnel des services de sécurité? Où ira-t-il? Je peux vous dire avec une certaine assurance qu'il ne sera pas sur un pied d'égalité avec le personnel de la GRC. Je parle d'expérience. Ce n'est pas que les membres de ce personnel ne sont pas bons ou n'ont pas une bonne formation. C'est simplement qu'ils ne sont pas membres de la GRC. C'est tout. Quel sort leur sera réservé? Comment les traiterons-nous? Comment leur dirons-nous que nous respectons ce qu'ils font et ce qu'ils ont fait par le passé? Quels seront les coûts? Dieu sait que le gouvernement sabre à gauche et à droite pour remettre de l'ordre dans l'appareil de l'État. Quels seront les coûts associés à cette démarche?
Pour l'instant, les coûts sont plutôt minimes, puisque les gens sont en place. Il nous reste simplement à voir comment nous allons organiser la garde et comment cela fonctionnera. Et on ajoute la GRC.
Je n'ai aucune idée de ce que seront les coûts, mais je peux vous dire une chose : il ne suffira pas d'avoir des agents assis dans une voiture à l'extérieur. On ne peut avoir une sécurité statique sur la Colline. La sénatrice McCoy a raison à ce sujet. La personne dangereuse a traversé les rangs de la GRC et est arrivée sur la Colline. C'est l'un des problèmes dont il faut tenir compte en envisageant un service de sécurité unique.
Ne faisons-nous qu'unifier le service de sécurité sur la Colline? Faisons-nous abstraction de l'espace qui sépare le portail et la porte? Nous l'avons fait la dernière fois, et nous savons ce qui s'est produit. Nous aurions intérêt à examiner ce qui se fait ailleurs dans le monde et à nous rendre à divers endroits pour observer les dispositifs de sécurité. Il nous faut des services qui ne s'arrêtent pas au portail, mais vont au-delà, comme c'est le cas à Washington, où il y a chevauchement de compétence avec le service de police de la ville, le Metropolitan Police Department. Si un incident se produit, il peut prêter main-forte; et ils sont toujours sur la même fréquence, la même ligne téléphonique.
Que savons-nous de cet incident? Qu'une personne a pris un fusil et a tué un membre des Forces canadiennes au cénotaphe. Qu'il a traversé la rue, s'est emparé d'une voiture et s'est rendu sur la Colline. Où étaient les services de sécurité sur la Colline, qui auraient dû se diriger vers les portes principales, où il faut assurer la protection? Que s'est-il passé? On parle souvent du bénéfice du recul. Nous aurons des renseignements à ce sujet qui viendront de la PPO. Elle nous dira ce qui s'est passé. Chose certaine, il y a eu une faille. Il est évident, me semble-t-il, que nous devons nous occuper de l'espace jusqu'au portail. Nous devons contrôler l'ensemble de la Colline.
Nous pourrions modifier la Loi sur la GRC et faire en sorte qu'elle assume cette nouvelle responsabilité. On croirait que ce serait la chose à faire. Cela semble logique. Pourtant, nous nous retrouvons dans une situation curieuse. Nous adopterons une motion, mais, comme la sénatrice Ringuette l'a fait remarquer, cela sera sans effet après septembre. À moins, bien sûr, qu'un projet de loi ne soit en préparation pour modifier la Loi sur la GRC ou la Loi sur le Parlement du Canada. Or, rien ne semble indiquer que cela soit en gestation. Il faudra modifier au moins l'une de ces lois pour que le changement soit permanent. Nous nous retrouverons avec une autre contestation constitutionnelle; je n'ai pas l'assurance que la GRC a la compétence voulue pour se charger de la sécurité sur la Colline.
Je vous exhorte à considérer la motion dans l'optique du très long terme. Il faut se demander pendant combien de temps elle sera en vigueur. Elle ne s'appliquera pas que pour nous, comme le sénateur Joyal l'a dit. Son effet sera durable. Il vaut donc mieux qu'elle soit bien conçue. Cette précipitation m'inquiète vivement, car nous ne prenons pas le temps de faire une étude sérieuse. Il est vrai que la sécurité est en place ici même, mais pas sur l'ensemble de la Colline; mais nous ne prenons pas le temps de voir comment nous y prendre. Nous disons : « Voici ce que nous allons faire. Cela fait, nous prendrons d'autres mesures et modifierons ces lois de façon à préciser la place de chacun. »
Que se passera-t-il si la GRC n'accepte pas un contrat qui dit que les deux Présidents sont responsables de la Colline et qu'elle doit répondre aux deux Présidents? Je vous demande sérieusement d'y réfléchir. Si vous voulez savoir ce qui se passera, appelez dès ce soir le maire de n'importe quelle ville où la GRC joue le rôle de police municipale. Il va de soi que la GRC est au service des habitants de Burnaby, mais elle relève du commissaire, pas du maire, pas de la commission de police de la Colombie-Britannique ni des organes de surveillance dans les provinces où elle a accepté des contrats.
Pour que la GRC relève des deux Présidents, je suis convaincu que la loi devra être modifiée, et il va sans dire que les mentalités vont devoir changer. Je ne dis pas que c'est un objectif inatteignable, et peut-être que je me trompe et que la collaboration sera excellente. J'essaie simplement de faire valoir qu'on ignore comment les choses vont se passer. Pour l'instant, nous avons seulement examiné les façons d'assurer la sécurité de la Colline du Parlement.
Je sais que vous allez voter contre l'amendement et que vous allez adopter la motion. Je vous préviens toutefois : dans 10 ou 15 ans, quand on va se rendre compte que rien ne va plus, c'est nous qui serons sur la sellette. Les gens vont se demander : « À quoi diable pensaient-ils quand ils ont accepté cela? »
Il ne faut pas oublier que nous sommes censés procéder à un second examen objectif. Nous devons examiner les mesures proposées et repérer les éventuelles lacunes. Nous ne faisons pas notre travail si nous acquiesçons d'emblée à tout ce qu'on nous propose; au contraire, nous nuisons considérablement au bon fonctionnement du Parlement.
[Français]
L'honorable Grant Mitchell : Honorables sénateurs, j'ai plusieurs choses à dire sur cette motion.
(1740)
À première vue, cette motion ne semble pas complexe. Il semble s'agir d'une question administrative et facile, mais ce n'est pas exactement le cas. Il s'agit d'une question philosophique, de privilège ou de théorie concernant une question parlementaire plus vaste qui se pose et qui va au-delà des détails et des questions administratives.
Pour ma part, et selon mes collègues également, il est clair que cette question est très complexe et comporte plusieurs aspects, dont j'aimerais discuter, comme les privilèges parlementaires et les questions relatives à la gestion des édifices parlementaires à l'aide d'une force policière différente, dont la tradition et la culture sont très différentes de celles de nos agents de sécurité actuels.
[Traduction]
Pour ceux qui n'ont pas compris mon français — je suppose que ce sont surtout les francophones —, je viens de dire que, à première vue, cette motion semble très simple. Allons-y, c'est facile, c'est une question administrative, une simple question de procédure. En fait, ce n'est pas le cas. Ce n'est pas une simple question administrative ou de procédure, même sur les plans de l'organisation et de la gestion. Il y a de sérieuses questions d'organisation à examiner. Mes collègues l'ont très bien fait, mais je vais mettre ces questions en évidence et, je l'espère, les approfondir.
Il y a aussi quelques questions philosophiques très importantes relevant en particulier du privilège parlementaire et de la séparation entre le Sénat et la Chambre des communes. Je vais commencer par ce point parce que c'est une histoire amusante.
J'ai déjà rempli les fonctions de stagiaire ici. C'est une sorte de bourse qui me permettait de travailler au Parlement. Dix étudiants canadiens l'obtiennent chaque année. L'un des parlementaires pour qui j'ai travaillé il y a 40 ans était le sénateur Eymard Corbin, qui était assis dans ce fauteuil lorsque j'ai commencé au Sénat. La boucle est bouclée. À cette époque, un côté du bâtiment — je ne me souviens plus lequel — avait un plancher poli tandis que l'autre côté n'en avait pas. Comme la chose était très visible, j'ai demandé des explications. On m'a répondu que c'était pour souligner l'indépendance des deux Chambres et de leur direction, et faire ressortir la distinction entre elles.
Il y a de nombreuses traditions qui se sont maintenues implicitement et explicitement tout le long de l'histoire du Parlement et qui se sont manifestées dans son fonctionnement pour souligner la séparation des deux Chambres. L'une d'entre elles — à cette époque aussi bien qu'aujourd'hui, je crois — était la séparation entre les services de sécurité des deux Chambres. On peut avoir l'impression que la sécurité serait plus efficacement assurée par un seul groupe, mais c'est un aspect sous-jacent de la séparation qui se reflète dans la façon dont nous-mêmes et nos agents de sécurité sommes structurés.
Avant d'aller plus loin, je veux établir très clairement que nos agents se sont extrêmement bien comportés le jour de cette attaque. Ils ont fait exactement ce qu'ils devaient faire, même si aucun d'entre eux n'était armé. C'est un agent parlementaire qui a été le premier à tenter d'arrêter cet homme, en dépit du fait qu'il ne portait pas d'arme. Il a été blessé en le faisant.
Comme l'a dit une collègue — je crois que c'était la sénatrice McCoy —, c'est en fait un membre du personnel parlementaire, M. Vickers, qui a finalement arrêté le tireur. Cela n'enlève rien aux membres de la GRC qui, comme l'a montré la vidéo que nous avons tous vue, ont poursuivi l'homme et ont couru après lui le long du corridor sans s'abriter, ce qui témoignait d'un grand courage. Il est également vrai, cependant, comme le sénateur Campbell l'a dit, que les membres de la GRC avaient la responsabilité de tout le secteur qui se trouvait en avant de la porte principale et que le tireur a quand même réussi à franchir cette porte. Par conséquent, je crois que la GRC devrait au moins montrer qu'elle est capable de s'organiser à l'extérieur avant qu'on croie qu'elle pourrait s'organiser à l'intérieur.
Cela m'amène à l'aspect de la procédure, c'est-à-dire aux questions pratiques. Nous ne savons même pas si le commissaire de la GRC souhaite s'occuper de cette affaire. En réalité, d'après la presse, la première déclaration qu'il a faite après qu'on a parlé des nouvelles responsabilités de la GRC — c'est peut-être vrai ou non — a consisté à dire que, pour lui, la chose n'était pas du tout finale et confirmée.
Je peux facilement imaginer certaines des raisons pour lesquelles le commissaire ne souhaiterait pas s'en occuper. Premièrement, il a déjà beaucoup de soucis à l'heure actuelle. Il doit affronter la nouvelle réalité des menaces terroristes, du terrorisme d'origine intérieure et de l'exportation actuelle de ce terrorisme. Il doit réaffecter ses ressources. Il a dû charger 300 membres de la GRC de la lutte antiterroriste.
Son budget a rétréci de 15 p. 100 depuis 2012. Il a de la difficulté à recruter des agents parce que l'image de marque de la GRC est plutôt ternie ces jours-ci. Encore une fois, je ne cherche pas à enlever quoi que ce soit aux membres très dévoués de la GRC, mais il n'y a pas de doute que l'organisation a des problèmes de culture.
Bref, je ne suis même pas sûr que le commissaire soit très désireux d'assumer cette nouvelle fonction. Si c'est le cas, s'il ne souhaite pas s'en occuper à cause de toutes les autres pressions qui s'exercent sur lui et qui l'empêchent d'accorder la priorité au Parlement, je ne suis pas du tout sûr que nous voulions qu'il le fasse.
Cela m'amène à une autre question de détail. Ce n'est pas que le commissaire aurait en fait deux patrons, notre Président et celui de l'autre endroit, ce qui est plutôt difficile à imaginer. Le commissaire de la GRC aurait en fait trois patrons. À part les deux Présidents, il relèverait aussi d'un ministre. Il pourrait en outre avoir un quatrième patron de fait, à savoir la Loi sur la GRC qui lui assure une certaine indépendance par rapport au ministre. Il est certain que le commissaire n'ira pas s'asseoir avec les deux Présidents pour gérer la sécurité parlementaire. Ce serait plutôt un officier moins gradé et qui aurait, j'imagine, moins de pouvoirs et, partant, serait plus susceptible d'avoir des difficultés dans un environnement régi par trois patrons, son commissaire et les deux Présidents. Il y a donc là un problème.
De plus, il ne faut pas perdre de vue le problème de culture. Je ne parle pas du problème de culture que j'ai déjà mentionné et que quelques-uns d'entre nous ont abordé depuis plusieurs années, celui du harcèlement. Il n'est peut-être pas omniprésent dans l'organisation, mais c'est certainement un facteur à considérer parce que je crois savoir que le problème subsiste. On peut s'attendre à ce qu'il ne soit pas particulièrement aigu sur la Colline, où tout est très visible et où de nombreuses personnes influentes — notamment des femmes — s'inquiètent de ces questions. Je pense que le risque d'avoir des problèmes de harcèlement ici est très faible, mais ce n'est pas une certitude. Le risque existe quand même.
Une voix : Oh, oh!
Le sénateur Mitchell : Eh bien, c'est vrai. Je me suis mal exprimé. Il s'agit d'une organisation qui, dans une certaine mesure, est déchirée par des problèmes de harcèlement, que nous ne souhaitons évidemment pas avoir chez nous. Il faudrait que ces problèmes soient réglés auparavant. S'il y a un certain manque de respect pour les femmes en particulier dans cette organisation, souhaitons-nous avoir la GRC sur la Colline avant que le problème soit résolu? Personnellement, je dirais non.
(1750)
Il y a une autre question : la GRC fait valoir qu'elle est une organisation paramilitaire et doit donc être organisée et gérée différemment. Elle n'a pas besoin d'une commission de police, comme toutes les autres forces policières, parce qu'elle est une organisation paramilitaire. Elle n'a pas besoin de syndicat parce qu'elle est une organisation paramilitaire. Pour ma part, je ne crois pas qu'elle doive être une organisation paramilitaire, mais cela fait partie de sa culture pour l'instant.
Ce type de culture permet-il d'assurer aux Canadiens un bon accueil lorsqu'ils se présentent sur la Colline? Je ne dis pas que les membres de la GRC sont impolis ou manquent de prévenance. Les jeunes agents qui viennent d'obtenir leur diplôme et ont ici leur première affectation sont très polis et prévenants avec moi. Toutefois une culture militariste, paramilitaire est-elle celle qui convient le mieux pour gérer les agents de sécurité et établir les protocoles voulus pour nous protéger et protéger les Canadiens dans cette enceinte? C'est une question à laquelle nous n'avons pas eu le temps de répondre.
L'autre question, cependant, une question qui est davantage de l'ordre des principes, est celle du privilège. Récemment, la Cour suprême a réaffirmé ce privilège et son importance. Nous commençons à prendre des libertés avec ce privilège.
Songez à la lettre rédigée pour nous par le vérificateur général, lettre qu'on nous a demandé de signer, ce que la plupart d'entre nous ont fait — je m'en désole à de nombreux égards maintenant. En la signant, nous avons dit plus ou moins que nous pouvions renoncer à nos privilèges, au secret professionnel et à nos privilèges parlementaires. Sans beaucoup y penser, probablement, ou en y réfléchissant un peu tout de même, nous avons été nombreux à la signer, pensant bien faire et croyant que cela témoignerait de notre empressement à collaborer. Pourquoi signer une lettre pour attester notre volonté de coopérer? Nous ne pouvons pas renoncer à ce privilège. Il ne m'appartient pas de sacrifier le privilège accordé à notre institution par la Constitution du Canada. Dans ce cas, nous avons pris des libertés avec le privilège de notre institution.
Il est également vrai que nous sommes maintenant dans cette situation parce que nous avons établi trop rapidement notre relation avec le vérificateur général par ce contrat. Une quarantaine d'entre nous sauront à quoi s'en tenir cette semaine; l'information est du domaine public, puisque je l'ai lue dans le journal. Qui est à l'origine de cette fuite, je l'ignore, mais une quarantaine de personnes recevront leur rapport — je voudrais plutôt dire leur lettre d'accusation. L'analyse pourrait notamment donner pour résultat que, de l'avis du vérificateur général, tel voyage ou telle réunion, que le sénateur a estimé relever complètement de son mandat, n'aurait pas dû être considéré comme tel. Nous renonçons ainsi à notre privilège. Il n'appartient pas au vérificateur général de me dire ce qu'est mon travail. Peut-être peut-il donner son avis sur les règles, mais peut-il franchir un pas de plus et accuser un sénateur parce qu'il a fait ce que, légitimement, il estimait être son travail? Du reste, la décision du sénateur pouvait même correspondre aux règles de la régie interne qui, aux termes de la Loi sur le Parlement du Canada, est l'autorité suprême capable de dire en quoi consiste notre travail et comment le définir.
Là encore, nous commençons à sacrifier cette très précieuse institution parlementaire, ces principes parlementaires et ces fondements du privilège. Nous nous plaçons encore dans une position fausse par cette motion, sans avoir vraiment pris le temps de l'étudier. Nous n'avons en rien contribué à l'élaboration de la motion, que je sache. Elle nous a été imposée non par l'autre Chambre, mais par le gouvernement à l'autre Chambre. Nous n'avons pas de comptes à rendre au gouvernement de l'autre Chambre. Le gouvernement ne devrait pas nous dicter notre conduite. Pas un ministre, pas un premier ministre ne peut le faire. Ce n'est pas leur rôle. Nous renonçons à notre privilège, à une tradition parlementaire très importante à cause d'une motion inspirée, conçue et rédigée par le gouvernement, c'est-à-dire le Cabinet, le premier ministre et le ministre.
Son Honneur le Président : Avant de poursuivre, demandez-vous cinq minutes de plus?
Le sénateur Mitchell : Oui, merci.
Son Honneur le Président : Cinq minutes encore? D'accord?
Le sénateur Mitchell : Merci. Je ne croyais pas avoir été si long. Quand on parle au Sénat, il y a une vraie loi de physique qui s'applique : quand quelqu'un d'autre parle, cela semble long. Quand on parle soi-même, le temps file. C'est du moins mon expérience.
Nous sommes placés devant deux questions de principe. L'une est la question du privilège et, comme je l'ai dit, elle n'est pas tout à fait à part. L'autre est celle de la séparation des deux Chambres. Un corollaire est le fait que les deux Chambres sont séparées l'une de l'autre, mais qu'elles sont aussi toutes deux séparées des instances, du contrôle et de la direction du gouvernement. Nous nous sommes engagés sur une pente glissante en structurant comme nous l'avons fait les relations avec le vérificateur général au sujet de la vérification et en renonçant à notre privilège. Nous avançons encore plus loin sur cette pente en acceptant sans examen critique que quelqu'un qui relève du gouvernement doit être chargé d'un élément très critique, soit la protection de cette enceinte. De plus, nous aggravons encore le problème en acceptant, sans la moindre possibilité d'apporter des amendements, une motion rédigée, pour notre institution indépendante, par le gouvernement. Nous sommes ici pour faire contrepoids au gouvernement. Nous ne sommes pas à son service. Il est extrêmement important de comprendre les conséquences exactes de la motion. Nous sacrifions encore plus notre privilège, alors que la Constitution dit que nous ne devrions pas le faire. Nous avons une obligation d'abord à l'égard de la Constitution, d'abord envers la population canadienne. Nous devons d'abord préserver le privilège, l'indépendance et les traditions de notre institution dans la mesure où ils nous permettent d'accomplir le travail que la Constitution nous a confié.
La sénatrice Cools : Honorables sénateurs, j'interviens au sujet de la motion présentée par le sénateur Carignan le 17 février. Nous sommes aujourd'hui le 24 février. J'aimerais donc souligner toute la précipitation qui entoure l'étude de cette motion. Je tiens d'abord à réitérer que je m'oppose à l'emploi de la clôture pour cette motion, et que je m'oppose à la motion elle-même.
En fait, certaines des raisons de mon opposition figurent dans le texte de la motion. Je commencerai donc par commenter brièvement son contenu. Elle commence comme suit :
Que le Sénat, compte tenu de l'attaque terroriste survenue le 22 octobre 2014, reconnaisse qu'une sécurité entièrement intégrée est nécessaire dans toute la cité parlementaire et sur le terrain de la colline parlementaire [...]
Chers collègues, le Sénat ne peut pas reconnaître qu'une chose est nécessaire s'il n'a aucun élément de preuve. Je ne sais comment il a été déterminé qu'une sécurité intégrée serait nécessaire. Nous ne savons rien à ce sujet. Nous ne savons pas ce que cela suppose exactement, ni ce que coûterait ce changement. Cela nous place dans une situation très difficile. Il m'est tout simplement impossible d'appuyer un changement dont je ne sais absolument rien. Comment la nécessité de ce changement a-t-elle été démontrée?
Le second problème se trouve dans la partie suivante de la motion du sénateur Carignan, c'est-à-dire « comme l'a recommandé le vérificateur général dans son rapport de 2012 ». Pourquoi serait-ce pertinent? Qu'est-ce que le vérificateur général a à voir, au juste, avec la sécurité du Sénat, la cité parlementaire, les questions de privilège, les privilèges des deux Chambres ou les difficultés liées à leur indépendance?
(1800)
Honorables sénateurs, je suis au nombre de ceux qui ne croient pas que le vérificateur général devrait formuler des recommandations dans ce domaine, parce qu'il s'agit de questions de politique, et non de questions de vérification. Il y a des gens du milieu universitaire qui étudient l'empiétement des vérificateurs généraux qui se succèdent — je ne fais allusion à aucun vérificateur général en particulier — dans les processus politiques et qui s'éloignent ainsi de leurs responsabilités de vérification.
La motion du sénateur Carignan dit ensuite, « et comme elle existe pour d'autres parlements analogues... ». Nous n'avons pas de parlements analogues au Canada. Il n'y a qu'un seul Sénat et il n'y a qu'une seule Chambre haute au Parlement du Canada.
La motion dit ensuite, « et qu'il demande [...] au Président... ». Nous sommes des sénateurs et le Président est l'un d'entre nous. Nous avons de nombreuses façons de communiquer avec le Président, mais aucune d'entre elles ne consiste à lui adresser une demande. Je pense que nous avons trouvé et que nous continuons de trouver des façons — et le Président agit comme un leader à cet égard — d'avoir de meilleurs dialogues et de meilleures communications les uns avec les autres.
Honorables sénateurs, la motion poursuit en disant, « en coordination avec son homologue de la Chambre des communes... ». Comme je l'ai dit à plusieurs occasions, le rôle du Président du Sénat n'est pas le même que celui du Président de la Chambre des communes. Le Président du Sénat est un représentant vice-royal. Il est le porte-parole du roi. Il est très haut dans la hiérarchie au Canada en raison de ce statut. Le Président du Sénat du Canada est donc au service de la royauté et il est un très bon représentant du roi — en l'occurrence de la reine —, mais son mandat est différent de celui du Président de la Chambre des communes.
Honorables sénateurs, le Président de la Chambre des communes est l'interlocuteur à qui s'adressent les députés quand ils prennent la parole. Nous ne nous adressons pas à notre Président; nous nous adressons à nos collègues, que nous appelons « honorables sénateurs ». La relation que nous avons avec notre Président est très différente, et j'estime que le mot « homologue » est mal choisi.
« Inviter », voilà un verbe qu'on utilise de plus en plus. Cette expression désinvolte — qui a probablement été retenue parce qu'elle est à la mode — ne m'impressionne pas du tout. La formulation utilisée ne traite pas des types de pouvoirs et des difficultés constitutionnelles dont il est réellement question.
La motion du sénateur Carignan continue ainsi :
[...] sans délai [...], d'inviter la Gendarmerie royale du Canada à diriger la sécurité opérationnelle partout à l'intérieur de la cité parlementaire et sur le terrain de la colline parlementaire [...]
Si la motion demandait au Sénat d'examiner la possibilité de confier à la Gendarmerie royale du Canada le rôle de direction, la situation serait sans doute différente. Or, quelqu'un d'autre a choisi de proposer cette option et cherche maintenant à dire que les deux Chambres sont d'accord.
La motion se poursuit ainsi :
[...] tout en respectant les privilèges, immunités et pouvoirs de chaque Chambre et en veillant à ce que le personnel chargé actuellement de la sécurité parlementaire et respecté, conserve son emploi [...]
Honorables sénateurs, la meilleure façon de respecter les privilèges, immunités et pouvoirs, c'est de les honorer et de s'y conformer. Cela fait des siècles que ces privilèges, immunités et pouvoirs existent et ils visent à ce que les deux Chambres soient des institutions indépendantes distinctes.
Des centaines d'années se sont écoulées depuis la dernière fois où le Parlement a siégé comme une seule entité. La séparation s'est faite à la fin des années 1300. Le Sénat n'est pas que l'une des Chambres du Parlement : c'est la véritable Chambre des Parlements. Il s'agit du seul endroit où Sa Majesté peut rassembler les trois instances du Parlement. Ainsi, le Sénat, ou Chambre haute, est en réalité la Chambre des Parlements. J'ai bien dit « des Parlements ». Le greffier du Sénat est d'ailleurs le greffier des Parlements.
Honorables sénateurs, je tiens à ce que vous sachiez que je trouve très troublantes la motion même et la vitesse à laquelle le débat se déroule. C'est vraiment troublant. Les sénateurs en savent très peu sur ce qui s'est vraiment passé ce jour-là, le 22 octobre dernier, mais nous avons pu en apprendre davantage dans les journaux.
Je tiens à citer ici un article de Josh Wingrove qui a été publié dans le Globe and Mail le lundi 22 décembre 2014. L'auteur y révélait que, deux mois après la fusillade à l'édifice du Centre, il restait encore plusieurs questions sans réponse.
J'aurais cru que, avant de réformer de fond en comble la sécurité sur la Colline, tant à l'intérieur qu'à l'extérieur de la Cité parlementaire, nous nous serions penchés de façon sérieuse sur ces délicates questions. Je veux maintenant citer l'article de Josh Wingrove paru dans le Globe and Mail :
Deux mois après la fusillade à l'édifice du Centre, plusieurs enquêtes se poursuivent en secret, et il n'y a toujours pas de compte rendu officiel de l'attaque. La Police provinciale de l'Ontario, la Gendarmerie royale du Canada, un coroner et un pathologiste judiciaire mènent tous des enquêtes distinctes, et aucune n'est venue à terme.
Nous devrions en apprendre davantage de ces nombreux rapports. Je continue :
Des tensions sont apparues entre la GRC et la Chambre des communes concernant tant la façon dont l'intervention s'est déroulée que l'enquête, et des membres des deux équipes de sécurité croient que ce sont eux qui ont tiré en premier sur M. Zehaf-Bibeau lors de la fusillade finale.
C'est malsain et troublant. On peut lire ce qui suit dans un autre paragraphe :
Des agents de la GRC qui avaient pourchassé le tireur ont entendu des coups de feu et se sont mis à l'abri, ce qui a retardé leur entrée dans l'édifice. M. Zehaf-Bibeau a été atteint par au moins un agent de sécurité en civil...
— ce serait un membre du personnel de sécurité de la Chambre des communes —
... qui était posté en haut du petit escalier dans la rotonde [...] Cela n'a toutefois pas arrêté M. Zehaf-Bibeau, qui a poursuivi sa course dans le Hall d'honneur, vers la Bibliothèque du Parlement. Un deuxième agent de sécurité en civil a tiré vers M. Zehaf-Bibeau — ce dernier était alors à mi-chemin, en direction de la bibliothèque, mais de l'autre côté du hall — et la balle s'est logée dans la porte de la salle où le NPD tient ses réunions de caucus. Certains gardes croient que ce tireur a aussi atteint M. Zehaf-Bibeau, et M. Vickers lui-même pense que M. Zehaf-Bibeau a été atteint de plusieurs balles [...]
Chers collègues, c'est extrêmement inquiétant. Je pense que nous devrions bien réfléchir et tenter d'en savoir beaucoup plus sur ce qui se passe. Wingrove continue en disant :
Selon des sources à la Chambre des communes, plusieurs agents de sécurité ont fait feu sur M. Zehaf-Bibeau ce jour-là, avant et durant la dernière épreuve de force, y compris M. Vickers, qui se serait laissé glisser sur le dos pour tirer sur l'homme armé. « Ce sont nos agents et M. Vickers », et non la GRC, qui l'ont finalement abattu, a déclaré un agent de sécurité de la Chambre des communes. Une autre source de la Chambre des communes a souligné que M. Zehaf-Bibeau était mort à l'arrivée des agents de la GRC qui l'ont pourchassé à l'intérieur. Mais, le commissaire de la GRC a laissé entendre que c'était la GRC qui avait riposté en premier à la fin, lorsqu'on a demandé si c'était bien le sergent d'armes Vickers qui avait abattu M. Zehaf-Bibeau.
À une conférence de presse donnée le 23 octobre, le commissaire de la GRC, Bob Paulson, a dit que M. Vickers et d'autres avaient affronté M. Zehaf-Bibeau à l'extérieur de la Bibliothèque, et que M. Vickers et M. Zehaf-Bibeau avaient échangé des coups de feu. « Le suspect s'est repositionné pour mieux viser M. Vickers, lorsque nos agents [de la GRC] sont intervenus et vous pouviez entendre différents coups de feu. » M. Paulson a ajouté que « M. Vickers a bien tiré et a participé activement à l'intervention, comme d'autres membres de son équipe de sécurité [de la Chambre des communes] et quelques membres de mon équipe [de la GRC]. »
Force est de se demander pourquoi le commissaire de la GRC parle d'une intervention mortelle à la Chambre des communes, dont elle n'a pas la surveillance. C'est assez dérangeant, je trouve. Votre Honneur, connaissant votre grande intégrité et votre vivacité d'esprit, j'espère que vous chercherez à éclaircir les faits pour que nous puissions mieux comprendre ce qui s'est vraiment passé.
L'article du Globe and Mail se poursuit ainsi :
L'échange de coups de feu a été filmé par les caméras de la Chambre de communes. Les enregistrements ont été remis à la police, mais n'ont pas été rendus publics.
(1810)
Pourquoi les images filmées à l'intérieur de la cité parlementaire ont-elles été remises à la GRC? Nous devrions connaître les conclusions de toutes ces enquêtes. Nous devrions éviter de prendre des mesures tant que nous ne connaîtrons pas tous les détails pertinents. Les quatre paragraphes suivants — également tirés de l'article de Wingrove sur les questions toujours sans réponse deux mois après l'événement — sont très importants.
Dès la minute qui a suivi la mort de M. Zehaf-Bibeau, la tension s'est fait sentir entre les agents de la GRC et les membres du service de sécurité de la Chambre des communes.
Cette tension est inquiétante.
Les agents de sécurité de la Chambre des communes disent qu'ils ont reçu de la GRC de l'information en retard et que celle-ci les a donc induits en erreur. La GRC leur a dit qu'un homme armé avait quitté le Monument commémoratif de guerre du Canada et qu'il se dirigeait vers l'édifice du Centre, alors que M. Zehaf-Bibeau avait déjà été tué. Selon nos sources, l'avertissement concernait évidemment M. Zehaf-Bibeau, mais, comme il n'a pas été communiqué à temps, les agents de sécurité ont dû se dépêcher de mettre tout le monde en sécurité de peur qu'un deuxième homme armé n'arrive sur les lieux.
Pour se rendre à l'édifice du Centre, M. Zehaf-Bibeau a traversé le terrain de la Colline du Parlement et détourné une voiture avant d'entrer en courant dans l'édifice. Ce terrain relève de la responsabilité de la GRC, laquelle a été incapable d'arrêter l'homme armé dans sa course. Une fois l'homme à l'intérieur, il incombait au service de sécurité de la Chambre des communes de le maîtriser.
Le lendemain de la fusillade, la GRC a tenu une conférence de presse au cours de laquelle elle a montré un enregistrement vidéo des déplacements de M. Zehaf-Bibeau sur la Colline du Parlement. Cette conférence de presse, tenue le 23 octobre, a contrarié M. Vickers et d'autres responsables de la Chambre des communes — une source a déclaré qu'ils étaient « atterrés » — parce que la vidéo révélait des détails sur les mesures de sécurité en place sur la Colline du Parlement, comme les endroits où étaient situées les caméras. Le service de sécurité de la Chambre des communes dit que, le lendemain des événements, la GRC, qui avait été incapable d'arrêter M. Zehaf-Bibeau, le laissant ainsi entrer dans l'édifice du Centre, s'est adressée « énergiquement » au public pour contrer toute question remettant en cause l'efficacité de son intervention.
Voici ma dernière citation tirée du Globe and Mail :
Après la fusillade, on a demandé à la Police provinciale de l'Ontario d'enquêter sur la façon dont la GRC était intervenue.
Honorables sénateurs, je viens de citer ces comptes rendus bouleversants afin que nous puissions commencer à bien comprendre la situation, le contexte et l'environnement dans lequel nos deux Présidents vont évoluer, et, plus particulièrement, les tensions présumées entre la GRC et les agents de sécurité de la Chambre des communes.
Honorables sénateurs, il est fort malheureux que des choses de ce genre se retrouvent dans la presse publique. Je n'aime pas cela du tout. J'appartiens à cette catégorie de personnes qui croit qu'il faut appuyer les gens qui nous protègent, nous et tous ces beaux principes. Un tel désaccord politique nous pique au vif.
Je constate qu'aucune de ces questions n'a été soumise aux sénateurs. Nous savons très peu de choses sur les activités dont se chargeront les nouvelles forces de sécurité proposées. Tout ce que nous savons, c'est qu'une motion a été soumise à toute vapeur au Sénat pour réclamer et même imposer son assentiment.
Fait intéressant, honorables sénateurs, la Chambre des communes n'a pas adopté de motion conjointe et ne nous a pas adressé de message pour nous demander d'agréer à la sienne. Il n'en reste pas moins que les deux motions sont identiques, mais leur libellé ne dénote pas la moindre connaissance du Sénat.
Honorables sénateurs, un peu plus tôt, j'ai exprimé ma consternation à l'idée que deux motions soient à l'étude selon des conditions très strictes, essentiellement une motion de clôture. Je prie une fois de plus les sénateurs d'en face d'éviter de recourir à une démarche aussi radicale puisque, en l'occurrence, la motion du sénateur Carignan n'a pas fait l'objet de la moindre obstruction. À vrai dire, j'étais enchantée à la perspective de tenir un débat franc, sain et fructueux sur la question, car même si les événements sont survenus ici même, sur la Colline, nous qui travaillons sur la Colline en savons étonnamment peu à leur sujet.
C'est dans ce contexte que j'ai dit, un peu plus tôt, que les sénateurs d'en face, ceux qui appuient le gouvernement, devraient convaincre le premier ministre Stephen Harper de nommer le sénateur Carignan ministre.
Son Honneur le Président : Êtes-vous disposés à accorder cinq minutes de plus à la sénatrice Cools?
Des voix : D'accord.
La sénatrice Cools : Honorables sénateurs, j'ai persuadé les sénateurs de convaincre le premier ministre de recommander au gouverneur général de nommer le sénateur Carignan ministre de manière à respecter la tradition séculaire voulant que le leader de chaque Chambre siège au conseil des ministres. Les deux leaders devraient être ministres.
La disposition qu'invoque la sénatrice Martin pour appuyer sa motion de clôture a été adoptée en 1991. C'était la toute première fois qu'un article était ajouté au Règlement pour préciser que les initiatives ministérielles avaient la priorité sur toute autre affaire du Sénat. Auparavant, les initiatives ministérielles étaient traitées comme n'importe quel autre projet de loi.
Il semble que nous devions maintenant prouver que, d'après la Constitution, le leader du gouvernement au Sénat, tout comme le leader du gouvernement à la Chambre des communes, devrait être un ministre. Après avoir consulté de nombreux ouvrages de référence, dont le Beauchesne et le Bourinot, j'ai jugé bon de consulter la Loi sur les traitements, dont le titre complet est « Loi concernant la rémunération de certains hauts fonctionnaires publics ».
Comme les sénateurs ne connaissent peut-être pas tous les détails de l'affectation des crédits, je précise que cette loi détermine les salaires qui sont versés au premier ministre et aux ministres à même les fonds du Trésor.
J'ai examiné attentivement la Loi sur les traitements, et je me suis assurée d'avoir la version la plus récente, puisque je ne l'avais pas consultée depuis des années. L'article 4 s'intitule « TRAITEMENTS DES MINISTRES : À COMPTER DU 1er AVRIL 2004 ». Ces données sont toujours à jour, du moins elles l'étaient encore tout récemment, le 4 février 2015.
Le paragraphe 4.1(3) dit ceci :
Malgré le paragraphe 4(2), les personnes ci-après, membres du Conseil privé de la Reine pour le Canada, reçoivent chacune [...] un traitement annuel de 67 800 $.
Fait intéressant, une liste de a) à z) nomme ensuite les divers ministres, dont le ministre de la Justice et le ministre des Affaires étrangères. J'ai regardé attentivement si le leader du gouvernement au Sénat figurait dans la liste et oui, chers collègues, il y est. Il y est, tout comme le leader du gouvernement à la Chambre des communes.
Ces deux leaders ministres figurent à l'article 4.1, à l'alinéa 4.1(3) o) :
o) le leader du gouvernement au Sénat;
et à l'alinéa 4.1(3)z.3) :
le leader du gouvernement à la Chambre des communes.
Honorables sénateurs, comme le démontre la Loi sur les traitements, le leader du gouvernement au Sénat devrait être un ministre. Nous avons laissé perdurer une zone grise sur le plan juridique, puisque les têtes dirigeantes se donnent le titre de « leader du gouvernement » et de « leader adjointe du gouvernement » alors que ce sont de simples sénateurs, comme vous et moi.
Cela m'a dérangée, parce que je pense qu'au sens de la Constitution, comme en témoignent les références et les précédents dont j'ai parlé tout à l'heure, les leaders des deux Chambres doivent être des membres du Cabinet, c'est-à-dire des ministres, car c'est ainsi qu'on obtient un gouvernement responsable.
En tout cas, je tenais à le préciser aux fins du compte rendu pour que nous comprenions que le système et notre Règlement, où il est question de « leader du gouvernement » et d'« affaires du gouvernement », reposent sur la présence et la participation, dans cette enceinte, d'un membre du gouvernement, d'un ministre. Je crois, chers collègues, que le Sénat ne devrait accepter rien de moins. Depuis plusieurs années, le leader au Sénat est un ministre, investi de pouvoirs gouvernementaux qui lui sont conférés par le gouverneur général, et c'est à ce titre que le ministre peut proposer des mesures dites gouvernementales.
Honorables sénateurs, je tenais simplement à apporter ces précisions, parce que nous nous trouvons ici dans une zone plutôt grise. Je ne crois pas que le Sénat devrait nager dans le flou artistique lorsqu'il s'agit de questions juridiques et constitutionnelles. Nous devrions nous appuyer fermement sur le droit constitutionnel.
Honorables sénateurs, cela dit, j'affirme que la tragédie du 22 octobre dernier était un événement terrible et horrible. Nous devrions nous occuper de cette question en tenant compte de principes très solides et en essayant d'éviter le plus possible les jeux politiques et les intérêts ou conflits personnels et professionnels.
Sénateur Nolin, je compte sur vous pour diriger cet effort. Merci, honorables sénateurs.
Son Honneur le Président : Nous poursuivons le débat. Les sénateurs sont-ils prêts à se prononcer sur la motion d'amendement?
Des voix : Le vote!
Son Honneur le Président : L'honorable sénateur Cowan, avec l'appui de l'honorable sénatrice Fraser, propose que cette motion ne soit pas adoptée maintenant, mais qu'elle soit modifiée par l'insertion avant... puis-je me dispenser de lire la motion?
Des voix : Suffit!
Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?
Des voix : Non.
Des voix : Oui.
Son Honneur le Président : Que les sénateurs qui sont en faveur de la motion d'amendement veuillent bien dire oui.
Des voix : Oui.
Son Honneur le Président : Que les sénateurs qui sont contre la motion d'amendement veuillent bien dire non.
Des voix : Non.
Son Honneur le Président : Sans contredit, les non l'emportent.
Et deux honorables sénateurs s'étant levés :
L'honorable Elizabeth (Beth) Marshall : Trente minutes?
L'honorable Jim Munson : Nous nous sommes entendus sur une sonnerie de 30 minutes.
Son Honneur le Président : La sonnerie retentira pendant 30 minutes. Le vote aura lieu à 18 h 50.
Convoquez les sénateurs.
(1850)
(La motion d'amendement, mise aux voix, est rejetée.)
POUR
LES HONORABLES SÉNATEURS
Cordy | Hubley |
Cowan | Joyal |
Day | McCoy |
Dyck | Mitchell |
Eggleton | Moore |
Fraser | Munson |
Furey | Ringuette |
Hervieux-Payette | Tardif—16 |
CONTRE
LES HONORABLES SÉNATEURS
Batters | Nancy Ruth |
Bellemare | Neufeld |
Beyak | Ngo |
Black | Ogilvie |
Carignan | Patterson |
Dagenais | Plett |
Doyle | Poirier |
Enverga | Raine |
Greene | Rivard |
Johnson | Runciman |
Lang | Seidman |
LeBreton | Smith (Saurel) |
MacDonald | Stewart Olsen |
Maltais | Unger |
Manning | Verner |
Marshall | Wallace |
Martin | Wells |
McInnis | White—37 |
McIntyre |
ABSTENTIONS
LES HONORABLES SÉNATEURS
Aucune. |
Son Honneur le Président : Nous poursuivons le débat sur la motion principale.
L'honorable Joan Fraser (leader adjointe de l'opposition) : Bien des sénateurs de l'opposition ont formulé des questions et exprimé des préoccupations et des réserves en ce qui concerne cette motion. Notre rejet d'un amendement qui aurait clarifié au moins un élément qui nous préoccupait fait en sorte que je suis, personnellement, encore moins disposée à appuyer cette motion telle qu'elle est rédigée.
Ce n'est pas que je suis réticente à l'idée d'avoir de bons services de sécurité qui soient efficaces et robustes sur la Colline du Parlement. J'y travaille moi aussi. Je n'ai pas plus envie que quiconque de vivre dans l'insécurité mais, comme je l'ai dit tout à l'heure, il reste beaucoup de questions laissées sans réponse. Comme un certain nombre de personnes l'ont fait remarquer, nous aurions certainement dû apprendre de notre expérience récente qu'il n'est pas bon d'adopter une motion lorsque l'on n'en comprend pas la signification, ce qui est notre cas.
Le sénateur Campbell a dit que les décisions que nous prenons auront des conséquences bien après notre départ, et j'ai bien peur que ce soit vrai car, comme nous le savons tous, l'une des forces, mais aussi l'une des faiblesses, du Sénat est qu'il est lent à changer, très lent. Quand il finit par le faire, il le fait trop souvent comme maintenant, sous l'impulsion du sentiment de devoir faire quelque chose, quitte à esquiver son obligation d'examen.
J'espère que nous-mêmes ou nos successeurs ne le regretteront pas amèrement. Je le crains fort. Je ne puis appuyer la motion dans sa forme actuelle.
Son Honneur le Président : Poursuivons-nous le débat? Les honorables sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?
Des voix : Le vote!
Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?
Des voix : Non.
Des voix : Oui.
Son Honneur le Président : Que les sénateurs qui sont en faveur de la motion veuillent bien dire oui.
Des voix : Oui.
Son Honneur le Président : Que les sénateurs qui sont contre la motion veuillent bien dire non.
Des voix : Non.
Son Honneur le Président : À mon avis, les oui l'emportent.
Des voix : Avec dissidence.
Son Honneur le Président : Avec dissidence.
(La motion est adoptée avec dissidence.)
(La séance est levée, et le Sénat s'ajourne au mercredi 25 février 2015, à 13 h 30.)